Philippe Tréhet souhaitait transmettre l’émotion par la danse. Le samedi 13 octobre, le groupe chorégraphique du LHC, professeurs et danseurs professionnels lui rendront hommage, un an et demi après son départ. D’après une idée d’ Andréï Tréhet, Nadja Debuf et Lorène Simon dans cet entretien nous évoquent le chemin qui mena à cet hommage. Je suis allé à leur rencontre pour remémorer de beaux et touchants souvenirs de scène et d’amitié.

Bonjour Nadja et Lorène, vous voilà à quelques jours du 13 octobre. Comment s’est passé la préparation de l’hommage à Philippe Tréhet ?

Andréï Tréhet nous a confié l’élaboration de l’hommage qui a nécessité une année de préparation. Celle-ci fut nécessaire, non seulement pour  faire des choix réfléchis et ne pas se précipiter, mais aussi pour se mettre en relation et réunir les protagonistes concernés (danseurs, techniciens, compositeurs musicaux). Nous sommes en répétition depuis maintenant plus de huit mois.

Photo Anne Sophie Duchemin

Photo Anne Sophie Duchemin

Avec plus de 70 créations, ça n’a sûrement pas été facile de choisir les extraits que vous allez nous présenter. Comment avez-vous procédé?

En effet, ce fut une phase des plus difficiles de l’hommage. Les danseurs qui monteront sur scène sont pour certains amateurs, issus du groupe chorégraphique du LHC que Philippe a créé en 2013 et pour d’autres, professionnels.
Nous avons donc dû dans nos choix en tenir compte et trouver des extraits qui pourraient, grâce, aux qualités de chacun, retranscrire le travail chorégraphique de Philippe Tréhet. Pour ce faire, nous avons donc visionné et décortiqué un bon nombre de vidéos afin de retransmettre l’écriture chorégraphique aux danseurs.

Philippe a pendant plus de trente ans de carrière croisé de nombreux danseurs. Sont-ils nombreux à participer à cet hommage?

Nous avons l’honneur de partager la scène  avec trois anciennes danseuses professionnelles de la compagnie. Certains danseurs, soit par la distance, soit par  l’arrêt définitif de leur carrière professionnelle n’ont pu répondre présents mais seront avec nous samedi en tant que spectateurs.

Quels sont vos plus beaux souvenirs de scène avec Philippe Tréhet ?

Nadja :  Mon plus beau souvenir restera la tournée au Mexique et au Brésil. Nous avons présenté « Shirashirim » et  » Trahison », pièce pour laquelle Philippe m’ a engagée après la fin de mes études au conservatoire national supérieur de Paris où je l’ai rencontrée. Nous avons partagé des moments uniques aussi bien sur scène que dans la vie. J’ai le souvenir également du travail sur le duo du concours international de danse de Paris – qu’il intégrera dans  « Vitalités Obscures »-. Duo créé sur mesure pour mon partenaire et moi-même, dans lequel j’étais mise à nue émotionnellement parlant et qui a marqué un tournant dans ma manière d’appréhender la danse. Artistiquement, il y a eu un avant et un après duo, il m’a transformée en tant que danseuse. J’avais la sensation d’être vraiment devenue professionnelle à ce moment là.

Lorène : Elève du Galet Gris, dirigé par Philippe Tréhet et Christine Vivier: “Mon plus beau souvenir sera la transition du passage d’élève à danseuse professionnelle. A la fin de mon cursus à l’école supérieure de danse de Cannes Rosella Hightower, Philippe m’a donné la chance de passer à cette étape. Mon premier rôle était un duo « Partir » avec Sergio Cruz, duo que j’ai abordé avec ma jeune expérience, mais qui m’a donné confiance pour aborder les créations et les duos  en tant que professionnelle. J’évoquerai également un autre beau souvenir, une reprise de rôle du duo « Elixir Glass »( interprété par Yoona Crals et Patrice Leroy) que je présenterai à l’hommage d’ailleurs avec Xavier Olivier. Un moment de travail intense avec Philippe, aussi bien artistiquement que techniquement, où l’on s’est livré naturellement  en toute intimité, un fort moment de partage et de transmission entre nous trois.”

En quelques mots, comment définiriez-vous la danse de Philippe ?

Nadja : émotionnelle-viscérale-vitale.


Lorène : virtuose-technique-instinctive.

« Still Human » est  la dernière création qu’il avait proposée au LHC. Elle sera présentée au théâtre de l’hôtel de ville, la mise en scène sera t-elle différente?

Nous présenterons la version première de Still Human. L’écriture chorégraphique, la création musicale  et la scénographie ne changeront pas. Bien que cette pièce restera inachevée, le souhait de Philippe était de la monter sur scène, de l’habiller de lumière, la lumière qui  prend toute sa dimension dans toutes ses créations. Le travail de la lumière a donc été confié à Greg Desforges, Philippe l’avait d’ailleurs sollicité pour Still Human, Greg a travaillé sur ses dernières créations, « Açoka » et « Lef Kansei ». Il a de suite accepté.

Vous me donnez l’occasion de poser quelques questions à ces danseuses, pouvez-vous me les présenter ?

Sylvie Rouzès
Isabelle Vial
Isabelle Vial et Sylvie Rouzès sont les premières danseuses professionnelles de la compagnie implantée au Havre en 1987. Elles ont dansé les premières créations de Philippe Tréhet « Chaîni » et « Ara ».
Florence Divert rejoint la compagnie un peu plus tard, elles se retrouveront sur  « Une ville peut mourir » en 1991.
Florence Divert
Quelle est la plus belle création que vous avez dansé ?

Sylvie :  » Le jardin du silence » et « une ville peut mourir ».

Florence : « Le jardin du silence » c’était une écriture raffinée, la pièce était paisible et sereine. Les danseurs complices et Richild Springer était présente aux répétitions. L’ atmosphère était  différente des autres pièces du répertoire, intemporelle. J’ai aimé également  » Nuit blanche ou la promesse du temps ». La création musicale et les musiciens sur le plateau étaient un plus sur cette pièce enthousiaste et dynamique. Une petite distribution de six danseurs assez privilégiés.

Isabelle : Pour moi, ce sera « Une ville peut mourir ». Une pièce très apaisée, le travail s’était déroulé dans une ambiance sereine. Elle était à la fois triste mais pleine d’espoir et d’enthousiasme.

Nuit blanche ou la promesse du temps

Le jardin du silence

Pourriez-vous donner en quelques mots la danse de Philippe Tréhet ?

Sylvie :  Emotionnelle – Technique – VITALE.    

Florence : Intense et viscérale – complexe et parfois  torturée – Ecriture riche et exigeante.

Isabelle : Instinctive – Généreuse – Tourmentée.

Quel chorégraphe était-il à ces débuts ?

Sylvie : Je l’ai connu à 18 ans. Je dirai un homme envahi par le besoin de créer, souvent dans l’urgence. Philippe aimait ses danseurs et ses danseuses. Secret sur ce qu’il avait à dire, c’était à nous d’aller chercher et de ressentir. Ses pièces étaient inscrites dans sa tête dès la première répétition, pas de part à l’improvisation ou très peu.

Florence : Philippe était un artiste entier, passionné par le mouvement et toutes les formes d’écritures. La musique, les arts, la littérature, la vie, les êtres. Lorsque je l’ai rencontré en 1991, il était assez fougueux, et engagé dans tout ce qu’il entreprenait. Exigeant avec lui même et avec ses danseurs. Un homme profondément attachant, sensible et généreux et parfois imprévisible.

Isabelle : Comme Sylvie, j’ai connu Philippe à 18 ans. C’était un homme hors du commun. Il paraissait capable  de déplacer les montagnes et semblait à la fois fragile. Il aimait les gens, il aimait ses danseurs, il se livrait totalement par la danse.

Entretien réalisé par Grégory Constantin Octobre 2018

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