Jacques Semelin, est un historien et politologue français. Directeur de recherche émérite au CNRS affecté au Centre d’études et de recherches internationales (CERI)1, il est spécialiste des génocides et des violences extrêmes, des formes de résistances civiles et de sauvetage, et de la survie des Juifs en France durant la Seconde Guerre mondiale. Depuis 1998, il enseigne à Sciences Po Paris où il a créé un cours pionnier sur les violences de masse.
UNE CONFERENCE DE L’ASSOCIATION CITE-CULTURES
L’association CITE-CULTURES propose le Mercredi 7 Décembre à 18 h 30 à l’Ecole de Management du Havre, une rencontre avec l’historien Jacques SEMELIN à-propos de son livre : Une Enigme Française, pourquoi les trois quarts des juifs de France n’ont pas été déportés ?
Professeur à Sciences Politiques Paris, maître de recherches au CNRS, Jacques SEMELIN, est un spécialiste de la violence et des guerres civiles au 20e siècle. C’est sur les conseils de Simone VEIL qu’il s’est intéressé à la survie des juifs en France durant la deuxième guerre mondiale, survie dont le taux a été largement supérieur à ceux de tous les autres pays d’Europe, Danemark excepté.
Interrogeant de nombreux survivants, confrontant les témoignages de personnalités épargnées, parfois célèbres (D. LINDON , R. BADINTER, S. KLARSFELD , P. NORA …) Jacques SEMELIN « fait exister » surtout ceux ont pu échapper aux persécutions , qui croyaient n’avoir « rien à raconter » ,
et dont les historiens ne se sont jusqu’à présent guère préoccupés.
Il s’interroge en particulier sur le rôle « protecteur » de l’État Français, sur l’action des Justes , pour lui beaucoup plus nombreux que ceux officiellement reconnus comme tels par l’État d’Israël , et aussi sur les initiatives personnelles des juifs dans un milieu qui les a parfois accueillis et aidés , parfois
rejetés.
Une approche nouvelle, qui va à l’encontre de nombre d’idées reçues , génératrice de réflexion et qui n’a pas manqué de soulever chez les spécialistes des interrogations , voire des critiques . Jacques SEMELIN dédicacera son livre à l’issue de la conférence.
Le débat sera animé par Jacques BEURIER qui a déjà participé à de nombreuses réunions de l’association CITE-CULTURES .

Comment avez-vous été amené à vous intéresser plus particulièrement aux juifs ayant échappé aux persécutions en France, un sujet assez peu abordé par les spécialistes de la violence et des génocides,
dont vous êtes ?

C’est Simone VEIL que j’ étais allé interroger pour recueillir son témoignage et sa collaboration sur les persécutions des juifs, qui m’a encouragé à essayer de comprendre pourquoi en France, à la différence des pays d’Europe de l’Est et de nombreux pays occidentaux (Hollande, Belgique…) la plupart des juifs de France avaient pu échapper à la persécution (75 %, toutes catégories confondues, selon Serge Klarsfeld ) . Une remarque assez extraordinaire quand on sait ce qu’elle-même avait subi.

Quelle a été votre démarche dans cette recherche ?

J’ai procédé, comme tout historien , à l’étude des documents, à la vérification des sources, mais j’ai aussi, dans une approche quasi policière , essayé de recueillir le témoignage de gens qui, ayant échappé aux poursuites , estimaient « n’avoir rien à dire » , ce qui n’était pas le cas.

Pensez-vous que cette « énigme française » puisse s’expliquer par le statut particulier de la France occupée ?

Ce problème est très débattu et fait l’objet de controverses que j’évoque dans mon livre.
Il est certain en tous cas que l’assimilation ancienne de nombreux juifs français et leur connaissance de la France leur a souvent permis de trouver un refuge , notamment en zone « libre », ce qui n’était pas le cas des juifs étrangers ou récemment naturalisés, chez lesquels le taux de survie est beaucoup plus faible.

Que pensez-vous des études historiques qui insistent sur « l’antisémitisme ancien largement répandu » de la France durant ces années, ou au contraire sur le rôle « protecteur » de l’État Français ?

Dans les deux cas il semble que les positions affichées soient excessives : ainsi on ignore le plus souvent que les dénonciations de juifs aux autorités ont été beaucoup moins nombreuses que ce que l’on croit généralement. À l’inverse l’Etat Français, au niveau de ses dirigeants, n’a, au moins jusqu’en 1943, jamais hésité à aller au-devant des désirs de l’occupant (la rafle du Vel’ d’Hiv en est l’exemple le plus connu .)
En fait l’une des raisons principales de ce taux (relativement) faible de persécutions en France vient du fait que les juifs français disposaient dans notre pays d’un espace relativement vaste et de l’aide de nombreux Français (pas seulement les Justes homologués) mus par diverses motivations , qui leur ont permis de prendre leur destin en main et d’échapper , pour la plupart d’entre eux , aux poursuites et aux rafles , ce qui s’est avéré beaucoup plus difficile dans les autres pays d’Europe occupée par les nazis.

Entretien réalisé par Chantal Ernoult et mis en page par Grégory Constantin.

 

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