Cette semaine, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir Martine Gaurat Lemonnier, une écrivaine havraise. L’année dernière, l’artiste nous proposait un recueil de nouvelles liées les unes aux autres, inspirées de faits réels pour la plupart. Martine sera présente avec Jak Lemonnier à la Galerne, le jeudi 1 décembre à 17h et au Studio Com’ des Images le 10 décembre, de 15h à 18h, pour des séances de dédicace, à l’occasion de la réédition de leur livre « Antoine et la poubelle ». 

Bonjour Martine peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis orthophoniste et écrivaine.
J’ai écrit ma première histoire quand j’avais 8 ans ; je suis devenue orthophoniste beaucoup
plus tard.
En fait, je trouve ces deux métiers complémentaires, c’est toujours un travail, un jeu autour
des mots.

Quels étaient tes rapports avec l’art étant jeune et particulièrement avec la littérature ?

Mes parents, ma grand-mère m’ont toujours lu des histoires. Dès que j’ai su lire, j’ai lu des livres, j’adorais ça.
Enfant, j’ai lu tous les Poly de Cécile Aubry, les Club des cinq d’Enid Blyton. Et dès que je pouvais, j’allais lire les Pif, chez mon voisin, j’adorais Rahan, Teddy Ted, Docteur Justice. Il n’y avait pas de BD à la maison, mon père trouvait que ce n’était pas de la lecture. Quand on sait que je vis depuis plus de 30 ans avec un type qui fait de la BD, je trouve ça très drôle !
A l’adolescence, j’ai commencé par les Agatha Christie, j’ai lu les Pearl Buck, j’étais fascinée par la Chine. J’ai lu Zola, Balzac et Rousseau pour les connaître.
Mon père jouait de temps en temps du piano quand j’étais petite, j’adorais l’écouter.
Mon frère a fait de la musique, du jazz dans un petit conservatoire, j’adorais l’écouter aussi.
Moi, je n’ai pas fait de musique car il fallait d’abord passer par un an de solfège. Berk.
Moi, je dessinais et j’écrivais et j’inventais des mondes avec les copains et les copines.
Jusqu’à ce que j’ai 9 ans, il n’y avait pas la télé chez moi. J’habitais en région parisienne.
Dans le village où j’étais, il n’y avait pas de cinéma mais on allait au cinéma de la ville la plus proche ou à Paris.
On ne visitait rien. J’ai choisi de faire un bac littéraire et là, forcément, il me semble que ça ouvre à la culture, aux expos, etc.
C’est surtout à l’âge adulte que j’ai commencé à véritablement m’intéresser, m’ouvrir à la « culture », aux autres, surtout à la peinture, à la musique de toute sorte. Pour moi, la culture, oui, c’est aussi s’intéresser aux autres, voir leur mode de vie, leur langue. C’est observer, tenter de comprendre.

Quels étaient et quels sont les auteurs que tu apprécies ?

J’aime beaucoup Maupassant, je le trouve très contemporain, Arthur Rimbaud.
Je lis beaucoup de polars, les polars nordiques (Mankel, Indridasson) mais j’aime aussi Delphine de Vigan, Paul Auster, Edouard Louis, ils me paraissent plus intimistes.
J’ai apprécié Jane Austen.
Garcia Marquez et Isabel Allende qui nous ouvrent sur un monde bien particulier et qui nous font découvrir l’imaginaire, la culture d’Amérique latine. Passionnant.
J’ai adoré Harry Potter et JK Rowling. Je trouve qu’elle a su rassembler tout notre imaginaire d’enfant : Harry Potter, c’est David Copperfield, Tom Sawyer, Rémi dans Sans Famille. J’ai tellement aimé que j’ai commencé à lire les derniers Harry Potter en anglais avant qu’ils ne sortent en français parce que j’étais trop impatiente de me reglisser dans ce monde.
J’en ai tant d’autres à lire encore, à découvrir.

Quel a été ton parcours d’apprentissage ?

Un parcours littéraire.

Je crois que j’ai toujours voulu faire un métier autour de la communication : au collège, je voulais être journaliste.
J’ai toujours été intéressée par l’Histoire parce que ce sont des histoires. Des histoires qui nous aident à comprendre d’où on vient et pourquoi on en est là, aujourd’hui.
J’ai toujours été intéressée par les langues parce qu’elles marquent nos différences et nos richesses. A l’école, j’ai appris l’anglais, l’espagnol puis l’allemand (que j’ai oublié, hélas) et là, j’apprends l’italien.
Et après le bac, j’ai fait des études pour être orthophoniste. Pour permettre à mes patients de mieux communiquer à l’oral comme à l’écrit.
Je suis devenue orthophoniste et j’ai pu recommencer à écrire. J’ai fait des ateliers d’écriture notamment au Havre avec France Germain qui a sûrement été la première à animer des ateliers d’écriture. C’était en 1989. Je suis allée à Paris aussi aux ateliers proposés par Aleph.
Je suis allée à des séminaires de psychanalyse aussi pour tenter de comprendre les gens.
J’ai fait quelques piges pour un magazine du Havre qui s’appelait à l’époque « Cité Magazine », ça m’a appris à faire des recherches, à écouter les gens et retranscrire leurs propos.
J’ai écrit pour le Nouvel Obs+ et j’ai eu la chance que quelques-uns de mes articles aient été sélectionnés et beaucoup lus. J’ai participé aussi au blog de Médiapart. Ca m’a appris à me confronter aux lecteurs, à être concise et percutante si besoin.
En 2016, j’ai participé à un défi qui s’appelle le NaNoWriMo (National Novel Writting Month/mois national d’écriture de roman), un défi qui vient des Etats Unis, un défi rigolo. Il s’agit d’écrire un roman de 50 000 mots entre le 1 er novembre et le 30 novembre. C’est
complètement fou. Ca n’apporte pas de prix, ni d’édition mais moi, ça m’a appris énormément. Ca m’a appris à lâcher, à écrire quoiqu’il arrive, ça m’a cadrée. Ca m’a obligée à bien préparer en amont l’histoire. Ca m’a appris à faire un premier jet.

Quels ont été tes premiers ouvrages ? Et quel fut ton premier projet littéraire édité ?

La première histoire que j’ai écrite quand j’avais 8 ans s’appelait la deux-chevaux jaune.
A l’adolescence, j’écrivais des poèmes comme beaucoup d’ados.
Le premier ouvrage qui est sorti dans une toute petite maison d’édition, une histoire pour enfants, c’était Perdu dans un magasin, illustrée par une amie Isabelle Regal. Sortie en 1989.
C’était sous forme de diapositives avec un texte pour chacune. Ce n’était pas adapté, le texte était trop long. Mais bon, ça a été édité !
Le second ouvrage, c’est encore une histoire pour enfants : Antoine et la Poubelle, écrite en 1990 et sortie en 1999 aux éditions Grrr…Art, illustrée par Jak Lemonnier. Pour l’anecdote c’est d’ailleurs sur cette histoire qu’on s’est rencontré.
Et il y a plein d’autres choses qui ne sont jamais sortis pour le moment ! Un polar et trois romans.

As-tu déjà été primée ?

Oui, en 2007, j’ai fait partie des cinq lauréats du concours de nouvelles des Ancres Noires pour la nouvelle : Escapade.
Une nouvelle très noire dans un cadre magnifique : le spectacle de rue de Royal de Luxe avec l’éléphant et la petite géante. D’ailleurs, je l’ai insérée dans mon recueil de nouvelles Allers-Retours, sorti en avril 2022.

Selon toi, quel est ton meilleur ouvrage ?

Le dernier ! Allers-Retours, un recueil de nouvelles.

Comment définirais-tu ton univers ?

En fait, j’observe, écoute beaucoup. Je me sers de la réalité et je la transforme. Soit je la noircis, soit je la rends drôle sinon je m’ennuie. C’est un peu comme si j’emmagasinais beaucoup, je digère et je ressors un détail, un événement, une personne, une émotion, tout
droit sortis d’un contexte et je les replace ailleurs.
Je passe beaucoup de temps à imaginer les gens en les observant.

Ton avant-dernier livre « Mémoires de guerre » est sorti il y a deux ans déjà, peux-tu
nous en parler ?

Ce sont des chroniques que j’ai tenues durant le premier confinement. Une sorte de journal.
En fait, je suis partie du 27 février, soit presque 3 semaines avant le confinement, j’ai raconté l’avant, la montée du stress et ensuite, chaque jour, je racontais quelque chose, je voulais être drôle. Mais je racontais aussi comment en orthophonie, il a fallu se réinventer, comment des liens se sont tissés avec mes patients enfermés dans des appartements. Je rapportais le témoignage de mes ami(e)s infirmiers, infirmières, de mes amies institutrices ou directrices d’école.
Alors, évidemment, ça n’intéresse plus grand monde aujourd’hui, j’imagine parce qu’on a envie d’oublier sans doute mais c’est un témoignage, une page d’histoire commune pas si lointaine et on commence à voir les répercussions de cet épisode maintenant donc ce livre
peut aider à comprendre certaines choses aujourd’hui. Par exemple, en tant qu’orthophoniste, je vois arriver des enfants en CM1 ou CM2 qui étaient en CP ou CE1 au moment du premier confinement, je vois leur manque de méthode, leur manque d’assise dans l’écrit.

Ou peut-on se le procurer ?

A la Galerne, il en reste quelques-uns. Je ferai peut-être une réédition, à voir.

Et le dernier ?

Il est sorti en avril 2022, comme je le disais précédemment. C’est Allers-Retours, un recueil de nouvelles, de petites histoires qui ont un lien entre elles : on retrouve des personnages à peine entrevus dans une nouvelle avec plus d’importance dans une autre.

C’est une invitation aux voyages : Le Havre, la Bretagne, le Kenya, le parc de la Vanoise. Elles sont parfois tirées de faits réels, elles sont parfois drôles, parfois graves.
Je me suis beaucoup amusée à le retravailler, le construire, à faire du lien entre les histoires.

As-tu commencé un nouvel ouvrage ?

J’ai terminé cet été le premier jet d’un roman. Pour le moment, je le laisse reposer et j’en profite pour en retravailler un autre pour ensuite l’envoyer aux éditeurs.

Quand penses-tu qu’il sera édité ?

Il faut déjà qu’un éditeur soit intéressé. Aïe, le stress !
En revanche, en octobre, l’histoire que j’avais faite avec Jak « Antoine et la Poubelle » (une histoire pour enfants) a été rééditée.

Peux-tu nous présenter 3 artistes de la région que tu apprécies ?

– Jak, évidemment. Mon « fiancé » ! Je le trouve très talentueux. Au niveau bd, il a plus de 37 bd à son actif, il n’a pas la reconnaissance qu’il mériterait pourtant.
Il est excellent en caricature aussi. Je le verrai bien faire une expo d’ailleurs.
Et c’est un excellent guitariste.
– Odile Marteau Guernion, elle écrit des polars. Elle tourne bien dans les salons du livre.
Elle est très sympa, discrète et elle fait du bon boulot. On s’attache à ses personnages qui reviennent dans chaque histoire.
– Myriam Lebourg-Khitas, elle fait de la photo. J’ai découvert ses photos sur Facebook, il y a à peine un an. Je trouvais qu’elle avait un œil intéressant, ses photos étaient belles et originales. D’ailleurs, j’ai adoré l’expo qu’elle a fait pour « Are you experiencing », elle a photographié les photographes de la région, super idée.

Un grand merci, Grégory pour avoir préparé ces questions, pour me consacrer un peu de ton temps et merci aussi pour ta patience et ta gentillesse.

Entretien réalisé et mis en page par Grégory Constantin.

Contribution à la rédaction Fabrice Autret.

 

Aimez et aidez le boulevard des artistes en un coup de pouce 

ARTICLES CONCERNANT MARTINE GAURAT LEMONNIER
EVENEMENTS CONCERNANT MARTINE GAURAT LEMONNIER