Pour le 1er festival de danse contemporaine du CCN intitulé Pharenheit, Mani A. Mungai, chorégraphe originaire du Kenya, présentera son spectacle ‘I like-me (m’aime pas mal )’ le vendredi 25 janvier.

Mani A. Mungai, vous participez au festival Pharenheit, pouvez-vous vous présenter ainsi que la compagnie Wayo ?

Je suis danseur et chorégraphe d’origine kenyane. J’ai découvert la danse contemporaine au Kenya, auprès d’Opiyo Okach, chorégraphe kenyan aujourd’hui également installé en France. Je me suis formé à L’Ecole des Sables de Germaine Acogny au Sénégal. Là-bas, Bernardo Montet m’a repéré. J’ai rejoint sa compagnie en 2002, puis je suis devenu permanent du CCN de Tours dont il était directeur jusqu’en 2005. Comme interprète, j’ai dansé pour Bernardo Montet (O.More, 2002 – Parcours 2C, 2004), Opiyo Okach (Shift…Center, 2005), Raphaëlle Delaunay (L’Echappée Couly, 2006 – Bitter Sugar, 2011 – Eikon, 2011), Farid Berki (Exodust, 2006), Emmanuel Grivet (Voici, 2007 – Nourrish, 2008), et actuellement pour Boris Charmatz (Levée des conflits, 2010 – Enfant 2011, – Flip Book 2012). La compagnie Wayo est l’association qui abrite mes projets de création. Je l’ai créée en 2006 à l’occasion de mon premier solo “Chronological Pt.1”. Elle est implantée en Haute-Normandie, à Evreux.

Vous participez donc à ce 1er festival Pharenheit créé par Emmanuelle Vo-Dinh et le CCN du Havre, pouvez-vous nous en parler ?

Vrai, il y a beaucoup de premières autour de cette création : – 1ère édition du festival Pharenheit – 1ère pièce de groupe pour moi après 3 performances en solo – 1ère pièce non autobiographique. Je suis ravi d’y participer et c’est un sacré challenge ! J’aime les challenges, ça m’a toujours aidé à aller plus loin, à m’aventurer sur de nouveaux chemins, à être curieux.

Vous présenterez ‘I like-me (m’aime pas mal)’ au Phare le 25 janvier. Votre spectacle mélange-t-il tous les différents types de danses que vous avez pratiqués comme la danse traditionnelle africaine, la danse contemporaine européenne, la salsa, la capoeira, les claquettes et le hip-hop ?
Ce serait un sacré challenge mais pas dans cette pièce, non ! J’ai certes pratiqué tous ces styles de danses à un moment ou un autre. Et si nous ne les utilisons pas à proprement parler dans “I like-me (m’aime pas mal)”, ça transparaîtra probablement dans la pièce. Je suis ce mélange de styles de danse, comme Dalmas est un mélange de sportif de haut niveau et de danseur, ou comme John est un grand danseur qui a su apporter la sagesse, l’humour anglais, et les grigris auxquels je n’aurais jamais pensé.
La trame du spectacle tourne autour de la tolérance, la différence culturelle et de points de vue, un thème plus que d’actualité, d’où tirez-vous votre inspiration ?

Je tire mon inspiration d’abord de ma rencontre avec les deux danseurs/ chorégraphes John Bateman et Dalmas Otieno. Puis, il y a le fait que nous parlons une langue en commun avec John, le français, et avec Dalmas, le swahili. Et nous parlons tous les trois l’anglais. D’où le choix d’un très long titre en anglais et en français, “I like-me (m’aime pas mal)”, c’était important pour moi qu’il y ait deux titres, sans pour autant que ce soit la traduction littérale. Je voulais jouer sur le double sens lorsqu’on entend le titre et lorsqu’on le lit : “même pas mal” / “m’aime pas mal“. Et “m’aime pas mal” comme “ne m’aime pas mal”, “aime-moi comme je suis”. D’où le choix des danseurs et les postures debout et à trois ou quatre pattes, la composition musicale des Bumcello, duo formé de Vincent Segal et Cyril Atef pour ce projet, d’où les costumes en noir et blanc ou plus colorés, la scénographie et l’éclairage, d’où la vraie image et le reflet, la représentation en présence d’un public ou en répétition. En bref, je veux pour cette pièce travailler sur la notion de différence et toute la richesse qui en découle.

Est-ce là votre première création ?

Non, comme chorégraphe c’est ma quatrième pièce. Les autres sont “Chronological Pt.1” créée en 2006, “Babel Bled” et “Babel Blabla”, créées en 2010. “Babel Blabla” est une proposition qui mêle étroitement danse et vidéo, elle s’adresse à un large public de 7 à 77 ans ! La pièce sera d’ailleurs en tournée le mois prochain en Aquitaine et en Bretagne. Ce sont trois solos autobiographiques. Les deux derniers ont en commun un personnage de guerrier massaï. Dans “Babel Bled”, il retourne chez lui avec un baluchon sur le dos après avoir vécu ailleurs. Dans “Babel Blabla” il s’agit d’un enfant massaï qui fait le voyage de la savane kenyane en Occident. Il y découvre la jungle urbaine. Je reprends à mon compte les rituels initiatiques des tribus massaï en les détournant.

Combien d’artistes participent à ce spectacle ?

Nous sommes trois sur scène : les deux autres artistes sont John Bateman et Dalmas Otieno Ochieng, tous deux sont chorégraphes et danseurs.

Pouvez-vous en quelques mots nous les présenter ?

C’est la deuxième pièce sur laquelle je travaille avec John. Nous nous connaissons depuis plus de dix ans, et la vie a fait que nous nous sommes recroisés il y a 3 ans. Je l’ai sollicité comme regard extérieur sur “Babel Blabla” en 2010. Pour “I like-me (m’aime pas mal)”, sa participation comme interprète était une évidence. Il est, comme moi, un étranger vivant dans un autre pays où la langue parlée n’est pas sa langue maternelle. Dalmas, lui, est un écho à mes racines au Kenya. Il est issu d’une tribu qui est censée être rivale d’une des miennes. C’était important d’être ensemble sur le plateau, nous avons une culture commune et en même temps l’histoire, notre appartenance ethnique, la politique du Kenya nous rend “étrangers” l’un à l’autre.

La musique de Bumcello joue un rôle important dans votre spectacle, comment la qualifieriez-vous?
Ce sont deux musiciens extrêmement talentueux. Ils travaillent très bien ensemble et très vite. Ils sont très complices mais complètement différents. C’est cette différence et complémentarité qui m’intéressaient pour cette création. Je souhaite surprendre le public, et la musique des Bumcello est là où on ne l’attend pas : mélancolie de la voix et des cordes de Vincent Ségal, batterie, percussions d’autres horizons et improvisation du duo toujours inattendue.
Après le festival Pharenheit, quel sera l’avenir d’ ‘I like-me (m’aime pas mal )’ ?

Inch’Allah!!! Nous allons jouer dans la ville siège de la compagnie, à Evreux, programmés par la Scène Nationale Evreux/Louviers, puis au Quartz / Scène Nationale de Brest en mars dans le cadre du festival “Dansfabrik”, à Tours en juin dans le cadre du festival “Tours d’Horizon”, et en octobre au Rive-Gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray.

La date du spectacle approche à grands pas, que pouvons-nous vous souhaiter ?

Que le début du spectacle ne soit pas très différent de la fin… !!!

Entretien réalisé par Grégory Constantin Janvier 2013

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