La musique classique est mise à l’honneur cette semaine, Aline Poirier professeur de flûte traversière et de musique ancienne au Conservatoire à Rayonnement Régional de Rouen ainsi qu’au Conservatoire à Rayonnement Départemental de Dieppe s’est rendu chez nous en décembre peu de temps après la sortie de son album flûte et piano avec Sarah Leroy-Simon.  Nous avons découvert lors de cette rencontre son univers de musiques baroque, médiévale et orientale.

Bonjour Aline, comment êtes-vous arrivée à la musique ?

La famille de ma grand-mère maternelle était très musicienne, en particulier en piano et en chant. Mes deux parents avaient joué un peu de piano, mon père et mon grand-père maternel ont chanté de nombreuses années à la Lyre Havraise puis dans les Chœurs André Caplet. . Mes parents m’ont inscrite assez naturellement au cours de solfège lorsque j’ai eu 9 ans au conservatoire du Havre.

Quel a été votre parcours d’apprentissage ?

Il y avait à la maison un disque vinyle du concerto pour flûte et harpe de Mozart. La harpe me tentait mais ma mère la trouvait trop encombrante, alors j’ai choisi la flûte. Entre- temps, j’avais été très impressionnée par une émission de télévision où un jeune garçon jouait un solo de flûte traversière chez lui, avec l’orchestre enregistré. Madame Falala, mon professeur de solfège, était voisine et amie de mes grands-parents maternels. Son fils, Jean- Christophe Falala, était professeur de flûte traversière au conservatoire, c’est ainsi que je suis devenue son élève, après ma première année de solfège. J’ai obtenu une médaille d’or du conservatoire du Havre à 19 ans.

A quel moment avez vous décidé d’en faire votre métier, ou quel a été le déclic, la rencontre qui a lancé votre carrière ?

A l’âge de 23 ans, j’avais obtenu des diplômes universitaires à Rouen en sciences économiques, en anglais ainsi que le diplôme du Programme Grandes Écoles à Neoma Business School. J’avais également poursuivi ma formation flûtistique avec Jean- Christophe qui avait été justement nommé au conservatoire de Rouen. J’ai remplacé le professeur qui quittait le poste d’assistant d’enseignement en mars 2013, conjointement avec Julie Laillet, ma comparse de la classe de flûte depuis nos premières années au conservatoire du Havre. C’est cette opportunité qui a été décisive pour mon choix de carrière.

Aujourd’hui vous enseignez la flûte traversière à Rouen et Dieppe mais vous avez l’occasion de jouer sur scène avec plusieurs formations, pouvez vous nous en parler ?

Effectivement, je joue au sein d’ensembles très différents. Depuis le répertoire moderne avec le duo flûte et piano Ízlenim, le quatuor de flûtes Lumina, en passant par l’ensemble Octoplus, Les Bons Enfans pour un répertoire de musique plus spécifiquement ancienne, jusqu’au répertoire médiéval et arabo-andalou avec les ensembles Rymel et Quarte Graal.

Ensemble Octoplus et quatuor Lumina

Comment êtes vous arrivée à la musique médiévale ?

François Montaufray, horloger au Havre dont l’atelier se trouve dans la rue où habitent mes parents, organise chaque année à l’abbaye de Graville le festival médiéval Les Prieurales. C’est dans ce cadre que j’ai joué mes premières notes de musique médiévale, d’abord lors d’un stage avec la violoniste Évelyne Moser, puis pour le 7e festival 2012 « Chants d’orient et d’occident ». J’ai eu la chance de jouer des pièces de musique arabo-andalouse de tradition orale, dont j’avais pû apprécier la qualité et la fluidité lors de voyages en Tunisie. Cela a aiguisé ma curiosité pour les répertoires occidentaux plus anciens.

Ensemble médiéval et oriental Rymel

Comment peut-on se procurer une flûte comme la vôtre ?

J’ai commencé par une flûte médiévale fabriquée par le facteur Jean-Daniel Talma, puis une flûte plus grave de Jeff Barbe, et enfin, à l’occasion d’un voyage au Népal, j’ai rapporté des flûtes indiennes bansouri de plusieurs tailles, qui sont souvent utilisées par les interprètes de musique médiévale.

Flûte médiévale de Jeff Barbe

Quels sont les musiciens qui travaillent avec vous sur ce projet ?

Après avoir joué un répertoire médiéval et arabo-andalou pendant quelques années, j’ai eu envie d’apprendre à lire directement sur les manuscrits médiévaux, sans l’aide des transcriptions modernes. C’est dans cette optique que je prépare un Master de pratique de la musique médiévale à l’université de la Sorbonne. Je rencontre ainsi des spécialistes du monde entier dans ce domaine.

Quels sont les projets artistiques qui vous seront proposés à la fin de ce projet ?

Je devrai présenter un mémoire de recherche sur la flûte traversière médiévale ainsi que produire un concert, une émission de radio ou un podcast pour montrer l’aspect pratique de ma recherche.

En décembre vous avez sorti un album flûte et piano avec Sarah Leroy-Simon, pouvez-vous nous en parler ?

En effet, dans le cadre du duo flûte et piano Ízlenim, Sarah et moi-même avons été amenées à sélectionner un programme de musique originale pour la flûte traversière et le piano : des œuvres françaises d’inspiration orientale, ainsi que des œuvres de compositeurs turcs influencés par l’école de composition du conservatoire de Paris.

Séance d’enregistrement du CD Ízlenim

Comment avez-vous connu Sarah et comment êtes-vous arrivées à ce projet ?

Sarah et moi étions collègues au conservatoire de Rouen. Elle est ensuite partie une dizaine d’années en Turquie. Elle m’avait invitée à venir jouer en récital à Ankara, mais le projet n’a pas vu le jour, car un tremblement de terre avait détruit la salle de concert. Quelques années après son retour en France, notre désir de jouer ensemble le magnifique répertoire flûte et piano a pu se réaliser. Lorsque nous avons décidé du nom de notre ensemble, Ízlenim, traduction du turc « Impression », les choix esthétiques se sont dessinés, et l’idée d’enregistrer, d’abord quelques pistes, est devenue peu à peu un CD entier.

Comment fait-on pour se le procurer ?

Pour les visiteurs du Boulevard des Artistes, Le CD est disponible au prix promotionnel de 10 euros au lieu de 15 euros (prix public), en envoyant un chèque de 10 euros+3 euros de frais de port (soit 13 euros par CD) en précisant le nom, l’adresse postale, le no de téléphone à : Aline Poirier 29 rue Écuyère 76 000 Rouen Contact email : alinepoirier@orange.fr

Ou aurons-nous la chance de vous voir jouer sur scène ?

Nous jouerons le programme du CD le samedi 9 février 2019 à 17h au magasin J S Musique 17 rue Duhamel 69 000 Lyon (Perrache). Également le 1er juin à Lyon et le 21 juin à Paris.

Quelles sont les difficultés à organiser ce genre de concert ?

Trouver un lieu où il y a déjà un piano, est finalement assez rare ! Une fois un tel lieu trouvé, le reste en découle facilement.

Pouvez-vous nous parler du projet Les Bons Enfans ?

Jacques Martin Hotteterre

Le projet 2019 des Bons Enfans est une rétrospective de l’histoire de la flûte traversière au village de la Couture Boussey dans l’Eure. C’est un village de facteurs d’instruments à vent depuis des siècles, où se trouve actuellement un musée des instruments à vent dont le rayonnement est national. C’est le village natal du premier facteur de la flûte traversière à une clé, Jacques Martin Hotteterre le Romain, musicien et flûtiste du roi Louis XIV.

Comment êtes-vous arrivée sur ce projet ?

La Ferme des Luthiers produit à la Couture Boussey la bière locale Hotteterre. Elle est dirigée par Jérémie Thiébaut et sa famille, qui sont tous descendants d’un flûtiste contemporain de J M Hotteterre : Thomas Lot. J’ai rencontré Jérémie lors de la « Fête du Ventre » de Rouen de 2012, lors de laquelle il vendait la bière Hotteterre. J’avais remarqué son logo qui représentait J M Hotteterre jouant de la flûte. Nous avons sympathisé et j’ai trouvé peu de temps après des pièces pour deux flûtes de Thomas Lot, que nous avons jouées peu après à La Couture Boussey avec le flûtiste Thomas Capron, dans le cadre de notre ensemble de musique ancienne Les Bons Enfans.

Jacques Martin Hotteterre

Quand aura lieu cette rétrospective ?

Le 6 avril 2019 à 18h à La Ferme des Luthiers, nous jouerons à nouveau à La Couture Boussey dans le cadre des journées européennes des métiers d’art. Au 19e siècle, c’est Théobald Boehm, en Allemagne, qui a inventé un nouveau modèle à multiples clés qui deviendra la flûte moderne actuelle. Le facteur français Louis Lot – un autre descendant de Thomas Lot – a collaboré étroitement avec Boehm pour le succès de ce nouveau modèle, qui est la flûte moderne que nous connaissons aujourd’hui. La famille Thiébaut/Lot a ainsi marqué l’histoire de la flûte traversière ! Nous jouerons des pièces pour deux flûtes ou en solo baroques de J M Hotteterre et de Thomas Lot, ainsi que des pièces pour flûte Boehm, sur instruments copies d’époque.

Quels sont les trois artistes de la région havraise que vous allez nous présenter ?

André Caplet (1878-1925), compositeur et chef d’orchestre né au Havre qui a composé beaucoup de musique dont de très belles pièces pour flûte et piano que j’ai eu le plaisir de jouer avec Sarah Leroy-Simon. Salustiano Julian Léon Dumouchel (1847-1901), artiste peintre havrais de la période impressionniste et mon arrière-arrière-grand-père maternel, qui a peint un très grand nombre de marines vues de la plage du Havre. Auguste Perret (1874-1954), architecte qui a reconstruit Le Havre où j’ai vécu toute mon enfance, ville qui me paraissait grise, mais me semble aujourd’hui si élégante par son style très cohérent réalisé avec de beaux matériaux

Entretien réalisé par Grégory Constantin,  Décembre 2018

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