Le Boulevard des Artistes est cette année partenaire avec la Nuit du court Métrage qui aura lieu au Sirius le 14 juin prochain. Le thème proposé par les Ancres Noires est bien entendu « fictions noires et policières » en parallèle du Festival du polar. Les 5 meilleurs courts métrages de cette soirée seront présentés sur notre site, le dernier lauréat Max Obione a bien voulu nous présenter « Elle hâche » qui est son deuxième court métrage.

Vous êtes le dernier lauréat de la nuit du court métrage, aviez-vous réalisé « Elle hache ! » dans le but de participer à ce festival ?

Oui !

Un concours motive pour concrétiser une velléité, et fixe un délai. Puis vient l’envie de voir projeter son film au cours d’une soirée devant un public averti et l’ambition de confronter son film à d’autres films.

Comment passe-t-on de la plume à la caméra ?

Je dirais que le passage s’est effectué naturellement, en ce qui me concerne. La création littéraire et la réalisation s’apparentent à une même démarche : raconter des histoires, utiliser la fiction pour décrire le monde. On a maintes fois souligné que j’écris comme on filme, par séquences  et sans développements psychologiques. L’un d’entre eux a même utilisé le terme de béhaviorisme, style typique de la littérature noire américaine notamment. Tout réside dans la description du milieu et de l’action sans se référer à ce peuvent bien penser ou ressentir les personnages. Dans un film, on montre des lieux, des situations diverses et des acteurs qui dialoguent. Le spectateur à partir de ce qu’il voit à l’écran est à même  de comprendre la situation, de déduire et d’appréhender les émotions des personnages.

Mon roman SCARELIFE est illustratif de l’écriture filmique. C’est d’ailleurs l’histoire d’un scénariste criminel au cours d’un road-movie à travers les Etats-Unis.

L’écriture est un acte solitaire au départ. Que ce soit pour un roman ou un scénario, l’auteur fait naitre une intrigue et accouche de personnages. Après, la mise en œuvre se complique. L’édition papier ou numérique jusqu’à  la librairie entraine des aléas que l’auteur maitrise difficilement. Quant à la réalisation, celle-ci nécessite principalement un travail d’équipe aux multiples métiers, au moment du tournage et de la postproduction. Jusqu’à la projection, le cheminement du projet initial et l’agrégation des compétences très variées font du cinéma une création collective des plus difficile à mettre en œuvre et requiert une sacrée énergie.

Quelles ont été les étapes pour la réalisation de votre court métrage ?

Il n’y pas d’originalité en l’occurrence.

Tout part d’une idée, banalement d’une idée, de l’air du temps, de mon ressenti à l’époque. Un matin en lisant la presse sur Internet, je suis tombé sur une photo qui m’a marquée. C’était l’intérieur indescriptible d’une voiture dans laquelle vivait une femme chômeuse en fin de droit. Dans le même temps, j’entendais à la radio les discours des différents candidats à la présidentielle de 2017. Autour de cette situation individuelle et du contexte politique général, j’ai bâti un scénario qui montrerait la vie d’une laissée pour compte, le fossé entre les gens dans la dèche et les privilégiés dans une économie de casino, et au final, un pétage de plomb en utilisant l’acronyme L H comme mode opératoire au premier degré.

Après, il s’agit de constituer l’équipe technique et la distribution. Ce qui est assez difficile à partir du moment où on pallie la faiblesse des moyens de la production par un recours partiel au bénévolat amical. Le carburant, c’est la motivation enthousiaste des uns et des autres adhérant au projet.

Puis vient le tournage au cours de trois soirées dans le froid en février 2017, en particulier sur la voie publique de la ville du Havre ce qui a nécessité l’obtention d’une autorisation municipale. Le bureau des tournages a tiqué au départ parce que l’héroïne brandit un instrument contondant particulièrement dangereux…

Enfin le montage du film effectué au démonte-pneu car le film faisait 15 mn qu’il a fallu faire rentrer dans un format de 10 mn.

Etc.

Trouvez du temps pour le tournage n’est-elle pas la difficulté principale pour l’organisation d’un tel projet ?

Trouver du temps ne constitue pas la principale difficulté de mon point de vue dans un tournage qui met en présence des acteurs et des techniciens, bénévoles pour partie d’entre eux, animés par la passion du cinéma. Pour ma part, la principale difficulté c’est de coordonner les disponibilités des uns et des autres. Ce n’est pas propre au cinéma, trouver une date commune pour plus de 10 personnes actives relèvent parfois de la quadrature du cercle.

Aviez-vous déjà en tête les comédiens pendant l’écriture du scénario ?

Oui, dès le départ, j’avais en tête pour le rôle principal, celui de Josette qui vit dans sa voiture, mon amie Chantal Lebourg. Celle-ci a accepté rapidement après avoir émis des doutes sur ses capacités à incarner le personnage. Je pense que j’aurais renoncé au film si elle avait refusé. Quand on voit sa prestation, Chantal se révèle une grande actrice. Très pro, les dialogues appris, concentration et intériorisation, reprises sans rechigner notamment dans la scène finale sur la passerelle alors qu’elle souffrait beaucoup de sa cheville. Souvent la première prise était parfaite. J’ai eu une grande chance, elle  est littéralement bluffante, tout le film repose sur sa performance. J’espère que d’autres cinéastes voudront recourir à son talent immense.

Pouvez-vous nous présenter les autres acteurs du film ?

Voici les autres acteurs qui ont apporté leur talent et leur bonne humeur : Jérôme Boyer joue le flic qui veut faire déguerpir Josette. Evelyne Deschamps, la voisine sympa qui aide Josette en lui apportant des douceurs. Puis les deux amoureux dont le bonheur insupporte Josette : Charlotte Gambier et Guillaume Devaux.

 
Vous avez réalisé le film avec l’aide de Simon Quinart, comment vous êtes-vous réparti les tâches ?

Simon est un homme orchestre dont les compétences sont précieuses sur un tournage. Cadre, son et montage. Je lui dois beaucoup, c’est un professionnel éminemment sympathique de surcroit. Moi, j’assurais la partie mise en scène et direction d’acteurs. J’approuvais ou non le cadrage qu’il me proposait.

Je voulais une image « couleur de grisaille » en noir et blanc, pour coller à cette « sale histoire ». A trop lécher le rendu de l’image, on serait passé à coté de l’impact désiré, me semble-t-il. Je crois que Simon a bien compris ce que je voulais. Ce qui m’importait également, c’est le contraste de mouvement, entre le côté statique et close up de la séquence dans la voiture, d’une part, et, d’autre part, le côté mouvant et même virevoltant des scènes finales. L’utilisation d’une caméra Osmo est une idée épatante apportée par Simon.

La lumière et le son ont un rôle important dans la narration de votre film surtout pour la scène finale où la musique est omniprésente ?!

Maitriser la lumière fut un sacré défi sur la séquence voiture. Le plus drôle, nous avions « embauché » une poule (à plumes) et un chat, noirs tous les deux pour tenir compagnie à Josette dans la voiture. Question contraste à l’intérieur de la voiture si peu éclairée ce fut un loupé magistral, mais l’essentiel n’était pas là.

La musique est également très importante, c’est une auxiliaire de l’image, elle doit souligner mais pas dominer. Je déteste les mélasses sirupeuses et omniprésentes qui engluent l’action dans certains films ainsi que les partitions inadaptées à la nature de l’histoire, bref le choix de la musique est déterminant. « La sauce », comme je la désigne. J’ai souvent besoin de choisir des musiques dès l’écriture du scénario. Elles m’accompagneront tout au long de la réalisation. Dans la partie finale de ELLE HACHE !, le choc des musiques résume bien le propos du film. D’un côté une musique brutale sur un rythme martelé, obsédant, de l’autre une valse classique exprimant un vrai bonheur de vie amoureuse. Leur rencontre ne pouvait illustrer qu’un choc dramatique.

J’ai demandé à la compositrice Emeline Miserey de composer une musique originale pour BAD GAME, c’est elle qui a composé la musique magnifique de JEAN & NELLY.

Vous avez proposé aux internautes de financer via Ulule votre 3ème court métrage, quel est le budget nécessaire pour sa réalisation et avez-vous atteint votre objectif ?

Recourir à Ulule n’a pas été une bonne idée. N’ayant pas atteint le financement escompté qui était modeste au demeurant, Ulule a remboursé tous les donateurs alors que d’autres sites ne pratiquent pas de cette manière et adressent néanmoins les montants récoltés au porteur de projet. Par ailleurs, il fallait non seulement faire une présentation du projet très soignée, mais surtout s’investir en même temps sur les réseaux sociaux, faire jouer au maximum les relations, tout ceci exigeaient un investissement personnel et du temps dont je ne disposais pas. Le financement complémentaire demandé était fixé à 1 500 euros.

Qui va y participer ?

Voici la distribution prévue : Vincent Dela, Célia Pérot, Guillaume Devaux, Claude Soloy, Thierry Sebbar, Ludovic Lavaissière, Eric Catillon et Simon Quinart.

L’équipe de tournage : Simon Quinart, Hugo Miserey, Thomas Carpentier, Justine Talvast, Pascal Besnier.

Pouvez-vous nous dévoiler un peu le scénario ?

Il s’agit de deux intrigues qui convergent vers un même point final. La première, un type sort de taule, il a un compte à régler avec son fils qui l’a balancé à la police. La seconde, un mafieux mirobolant circule à bord d’une grosse voiture américaine avec ses sbires, il poursuit un jeune type qui possède quelque chose qu’il désire plus que tout. On peut lire le scénario de BAD GAME sur le site dédié.

Allez-vous le présenter à la nuit du court métrage ?

Même s’il est terminé à temps, BAD GAME ne participera pas au concours des Ancres noires car il dépassera le format des 10 mn. Je le proposerai toutefois hors concours. Si les organisateurs apprécient le film,  j’apprécierai qu’il soit projeté lors de La Nuit du court.

https://lh.boulevarddesartistes.com/lehavre/la-nuit-du-court-metrage

Pour terminer, pouvez-vous me présenter vos 3 artistes de la région Havraise ?

Yoland Simon, auteur dramatique, poète, éditeur, une longue carrière au service de la langue à l’univers poétique…

Vincent Dela, comédien, lecteur, metteur en scène, professeur d’art dramatique, une présence, une voix, une incarnation des personnages de papier…

Pascal Besnier, photographe, l’œil amoureux du Havre…

Entretien réalisé par Grégory Constantin  Février 2018

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