À l’occasion de la sortie de Daho, une vie en chansons, Sébastien Monod revisite l’œuvre d’Étienne Daho sous un angle inédit : celui d’un parcours intime raconté à travers quarante titres. Un an après le Tribute to Daho, l’auteur revient sur la genèse de ce nouveau livre, sa collaboration avec Jérôme Soligny et ce que cette plongée dans la discographie lui a révélé sur l’artiste… et sur lui-même.

Vous étiez présent au Tribute to Daho l’an dernier pour dédicacer vos précédents livres. Vous revenez cette année avec Daho, une vie en chansons. Pourquoi ressentiez-vous le besoin d’écrire un nouveau livre ? Tout n’avait-il pas été dit dans les ouvrages précédents ?
Avec Étienne Daho, l’attraction des arts sorti en 2023, j’avais véritablement tout dit sur la question des multiples références artistiques (cinéma, littérature, arts plastiques…) présentes dans ses textes, dans ses clips ou sur ses pochettes de disque.
Le sujet était clos pour moi, je ne me voyais pas faire des livres à la chaîne sur Daho ! Et puis, les éditions Hugo Publishing m’ont contacté pour me proposer d’écrire cet ouvrage, et surtout ils m’ont convaincu de le faire.
Si j’ai accepté, c’est parce que l’œuvre d’Étienne allait être abordée sous un nouvel angle.
Par conséquent, à aucun moment je n’ai eu l’impression d’une redite.
Et alors que cela aurait pu apparaître comme un exercice ou un devoir, j’avoue avoir pris beaucoup de plaisir à travailler dessus.

Le livre s’ouvre sur une préface de Jérôme Soligny. Comment cette collaboration s’est-elle mise en place ? L’aviez-vous déjà rencontré lors du Tribute to Daho ?
Nous nous étions déjà croisés.
La dernière fois, c’était à l’occasion du Tribute to Daho et du concert d’Arnold Turboust.
Je travaillais déjà sur mon livre, mais j’étais dans l’écriture des chapitres.
La question des avant-propos ou des préfaces ne s’était pas encore posée.
Cela est venu l’été dernier, une fois le livre achevé.
J’ai pensé aussitôt à Jérôme. Parce qu’il a collaboré à plusieurs reprises avec Étienne et aussi parce qu’il est l’auteur d’ouvrages pointus sur la musique.
Je savais qu’il n’aurait aucune difficulté à rédiger quelques lignes sur un sujet qui, de plus, lui est familier et cher.

Comment avez-vous sélectionné les 40 titres de Daho, une vie en chansons, notamment ceux qui ne font pas partie des grands succès ?
Une partie s’est imposée car mon éditeur m’avait demandé d’évoquer les plus grands succès du chanteur, ce qui est tout à fait normal.
Parler d’Étienne Daho sans citer « Tomber pour la France » ou « Le Premier jour (du reste de ta vie) », cela n’aurait eu aucun sens.
Les lecteurs n’auraient pas compris. Il a été plus complexe de faire le choix des autres titres.
Déjà parmi les 45 tours ou singles (et il y en eu a beaucoup en près de 45 ans de carrière !), et aussi parmi ses autres morceaux.
Au final, cela s’est fait simplement parce que des chansons racontent Étienne Daho bien mieux que toutes les interviews.
« Boulevard des Capucines » parle de sa relation avec son père et, au-delà, dit beaucoup de choses sur le chemin intime parcouru par l’adulte qu’il est devenu, un œil rivé sur l’enfant qu’il a été, ses manques, ses fêlures.
Le chapitre consacré au morceau « Dommage que tu sois mort » est centré sur une sale rumeur qui, au début des années 90, le disait malade du sida et même mort.
Une rumeur qui l’a beaucoup affecté.
Toutes ces chansons mises bout à bout, de ses premières à ses plus récentes, constituent comme un récit biographique.

Votre livre se lit presque comme un roman. Pourquoi avoir adopté cette approche narrative pour raconter l’œuvre de Daho ?
On m’a déjà fait cette remarque. Cela m’étonne car ma démarche est plus journalistique qu’autre chose.
Je pense que cette impression est en lien avec mon écriture elle-même.
À l’origine, je suis romancier, et mon style s’est épuré au fil du temps.
Je ne cherche plus à épater, à montrer que je sais faire de belles phrases.
Je vais droit au but, ce qui induit une syntaxe différente puisqu’il n’est pas question de proposer sans discontinuer la structure basique : sujet – verbe – complément, cela serait lassant pour les lectrices et les lecteurs !
C’est une façon de faire peut-être plus directe, factuelle. Mais cela reste du roman.
Cela a dû déteindre sur mes autres travaux, essais ou biographies.
Mais, à bien y réfléchir, ne peut-on dire que la vie d’ED est un roman ?
Ce parcours, il a été raconté au fil des siècles dans la littérature, celui d’un jeune idéaliste qui a des rêves et cherche à les concrétiser.
Si ce « roman » passionne, c’est parce que ce jeune homme, pourtant parti de rien, est devenu une star.
Je pense que je ne fais aucun spoil en disant cela (sourire).

En revisitant l’ensemble de sa discographie, qu’avez-vous redécouvert sur Étienne Daho… et sur votre propre parcours de fan et d’auteur ?
Là, je n’ai pas d’exemple à donner, mais oui, j’ai redécouvert et même découvert des choses sur son œuvre.
Notamment grâce à l’interview faite avec lui, mais aussi avec les autres personnes que j’ai sollicitées.
Ainsi, Pierre-Anthony Allard, le photographe qui travaillait à l’époque pour les Studios Harcourt et qui a réalisé le magnifique cliché de la compilation Collection, m’a livré quelques anecdotes de leur rencontre.
J’ai inséré dans mon livre tout ce qui pouvait l’être.
Mais il faut toujours veiller à l’équilibre entre les informations principales et les propos des différents intervenants, et notamment leurs confidences ou anecdotes.
Avec ce livre, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas d’effet de saturation vis-à-vis d’ED et de son œuvre, ce qui peut arriver avec d’autres sujets.
On peut en avoir assez d’entendre des musiques, se lasser… Et, entre nous, c’est normal.
La musique fait vibrer la corde sensible qu’est l’émotion.
Je me suis rendu compte qu’elle continuer à jouer à plein régime chez moi.
Sûrement dois-je être vraiment fan (rire).

Vous montrez que Daho reste moderne grâce à sa curiosité et à ses collaborations. Quel titre illustre le mieux, selon vous, cette capacité à se réinventer ?
Une collaboration très récente est l’exemple parfait de cette réinvention permanente qui fait que Daho reste dans le vent, celle avec le duo italien Italoconnection.
Fan de leur musique et aimanté par leur talent, il a sollicité ses membres Fred Ventura et Paolo Gozzetti.
De cette rencontre est né « Virus X », un morceau à l’origine électro qui a connu plusieurs liftings avant de devenir un morceau disco / pop.
Une vraie réussite ! Mais si son œuvre ne prend pas une ride, cela vient aussi du fait qu’il suit son instinct et ses envies, pour paraphraser une de ses chansons.
Son travail est en parfait accord avec ce qu’il est au moment où il le fait.
Jamais il n’a réalisé un morceau à contrecœur ou parce qu’il sentait que ça collait à l’air du temps.
Procéder ainsi est contreproductif : ce sont ces chansons-là qui se démodent le plus vite !

Quelle a été la réaction de Daho lorsque vous lui avez parlé de ce nouveau projet ? (Est-il au courant de la sortie du livre ?)
Il a été mis au courant dans les jours qui ont suivi l’appel de mon éditeur.
C’est un hasard, il m’a appelé quelques jours après la proposition de ma maison d’édition.
J’en ai profité pour lui en parler et sonder son état d’esprit par rapport à un énième livre sur lui, cela alors qu’il venait de faire A Secret Book, son livre d’archives personnelles.
Il a eu une réaction intelligente : il m’a dit, en substance, que si j’avais envie de le faire, eh bien, je devais le faire !
Si j’avais senti une hésitation, je ne l’aurais peut-être pas écrit, tout du moins, j’aurais pris un plus grand temps de réflexion.

C’est votre troisième livre consacré à Étienne Daho… Pensez-vous que ce sera le dernier, ou sentez-vous que votre histoire avec son œuvre n’est pas encore terminée ?
Des livres sur Étienne et son œuvre, je pense pouvoir en faire encore une dizaine !
Je plaisante, mais c’est un peu vrai car il y a de nombreuses portes d’entrées pour aborder sa musique.
Mais je vais livrer un scoop, Daho, une vie en chansons sera mon dernier ouvrage sur ED.
Et je m’y tiendrai : je ne veux pas être le Sheila de la littérature (rire).
Que les choses soient claires, je n’ai rien contre Sheila.
Elle est encore là après toutes ces années, franchement, j’espère pouvoir en dire de même lorsque j’aurai son âge !
Entretien réalisé par Grégory Constantin






