Paul Eric Letellier, professeur de français, poète, écrivain et chanteur du groupe MelCove, sera présent le samedi 30 avril à la fabrique O livres pour présenter son recueil de nouvelles « Tête bêche ». Dans cet entretien nous abordons également la sortie de son dernier roman policier « La petite Eau-de-vie ».
Bonjour Paul-Eric, peux-tu nous présenter l’écrivain que tu es ?
Je suis né à Cherbourg le 9 août 1973. J’ai suivi des études de Lettres à Caen et exerce actuellement au Havre en qualité de professeur de français. J’écris depuis mon plus jeune âge, essentiellement de la poésie mais aussi des nouvelles, car j’ai toujours eu une prédilection pour les formes brèves. Je suis venu très tardivement au roman. Avant cela, je suis passé par la musique. J’écris des textes et je pose ma voix sur la musique du groupe MelCove.
Quels sont les auteurs qui t’ont inspiré étant jeune et qui t’inspirent aujourd’hui ?
Comme je vous l’ai dit, la poésie a été une source d’inspiration profonde, et je crois que mes textes en prose conservent encore cette dimension rythmique et musicale propre à la poésie. J’ai la chance de connaître des centaines de poèmes par cœur : Apollinaire, Baudelaire, Rimbaud, mais aussi des textes de La Fontaine, ou des tirades entières de Racine. Les chansons de Brel, de Brassens également…
En prose, la rigueur de Flaubert, l’efficacité de Maupassant, ou la langue de Céline ont ouvert une voie intéressante. J’aime les phrases simples et lumineuses des classiques, ce qu’en bande-dessinée on appelle « la ligne claire ». En France, le roman policier ne partage pas toujours ce goût-là. On confond souvent sobriété et froideur. Grave erreur à mon sens !
Dans le genre du polar, il y a quelques années, les auteurs nordiques ont apporté un univers intéressant : le couple Sjöwal et Wahlöö, Henning Mankell et sa série des Wallander, ou Arnaldur Indridason que j’aime particulièrement. Dans un autre registre, les éditions Gallmeister publient des romans américains très cinématographiques, et ils sont tellement agréables à lire !
Quel est ton univers d’écriture ?
Dans mes chansons, comme dans mes romans, l’univers est celui du polar bien sûr. C’est sombre certes, mais je préfère parler de romans gris que de romans noirs. Cela rend justice à une certaine nuance que je tâche d’apporter. Mon objectif a toujours été de ne jamais ennuyer le lecteur. J’écris des scènes cinématographiques dans une langue très simple et une syntaxe que je souhaite la plus fluide possible. Je colle au plus près de mes personnages, et je ne les lâche jamais. Même s’ils vivent un événement particulièrement traumatisant, le lecteur restera à leur chevet jusqu’au bout.
Mes deux romans policiers se passent à Bauny, une petite ville normande fictive de 20 000 âmes. Le commissariat se retrouve confronté à des événements particulièrement désagréables, et nous suivons les enquêtes. Pour vous donner une idée, cela ressemble un peu à un film de Chabrol ou de Sautet, mais qui serait tourné aujourd’hui – avec des scènes parfois violentes, il faut le reconnaître.
Comment es-tu arrivé à écrire des romans ?
Par la lecture de polars d’abord et ensuite grâce à ma rencontre avec Carine Roucan mon éditrice, qui connaissait un peu mon travail pour MelCove et qui m’a dit avoir envie d’ouvrir une collection de romans policiers. Je lui ai envoyé deux manuscrits. Le second lui a plu : c’était Bientôt les égouts les vomiront par centaines. Elle l’a publié. Il est sorti en mai 2020, en plein confinement.
Parle-nous de ton éditeur ?
Mon éditrice est donc Carine Roucan. Elle a fondé les Éditions Racine et Icare il y a quelques années. C’était au départ une maison d’édition dédiée aux œuvres d’autofiction et de poésie, mais elle s’est ouverte aux autres genres avec comme objectif de publier des écrivains qui aimaient jouer avec les genres et les formes. Tout ce qu’elle publie est très singulier.
Peux-tu nous parler de ton premier roman ?
Mon premier roman policier s’intitule Bientôt les égouts les vomiront par centaines. C’est aussi le premier volet des enquêtes de Pierre Marty et de Sandrine Parou, mes deux enquêteurs. Il est un peu construit comme une tragédie. Ça raconte l’histoire d’une ville infestée par les rats au moment de l’élection du nouveau maire. Une série de violences va naître jusqu’à ce que tout parte à vau-l’eau… et que bientôt les égouts vomissent tout cela !
La période du confinement a-t-elle été propice à l’écriture ?
À défaut de promotion pour les livres, Carine Roucan a proposé à ses auteurs de publier des nouvelles en ligne sur le site de la maison d’édition. Je lui en ai envoyé deux qui ont vu le jour pendant cette période, et qui ont relancé mon goût pour ce genre que j’affectionne particulièrement. J’en ai écrit quatre pendant le confinement, plus quelques autres qui sont encore en chantier.
Peux-tu nous parler de ton nouveau livre « La petite Eau-de-vie » ?
Le deuxième volet des enquêtes de Marty et Parou s’intitule en effet La petite Eau-de-vie. Il est sorti officiellement le 25 novembre dernier. Le point de départ est la découverte du cadavre d’une enseignante. Ce qui est troublant, c’est que tout autour d’elle semble avoir été mis en scène grâce à elle ; comme si la victime avait été complice de son propre meurtre. Ce fut pour moi l’occasion de m’arrêter plus longuement sur chacun de mes personnages, de les creuser davantage.
As-tu des événements de prévus prochainement ?
Mon actualité dépend beaucoup des mesures sanitaires liées à la pandémie qui nous frappe.) J’espère poursuivre la promotion de mes deux romans, rencontrer un public qui ne me connaît pas encore, et lire des extraits à haute voix. C’est encore ce que je préfère. Et puis (mon éditrice vient de m’apprendre qu’elle sortira une collection « nouvelles » au printemps 2022. J’ai vraiment hâte de lui proposer un petit recueil. Cependant) vous pourrez me retrouver samedi 30 avril à 18h à la fabrique O livres 16 rue Madame de Lafayette 76600 pour la présentation de nouvelle collection de la maison d’édition.
Comment peut-on se procurer tes deux livres ?
Mes deux romans sont disponibles dans n’importe quelle librairie, ou sur le site de la maison d’édition Racine et Icare, sur commande, au prix de 17 euros.
As-tu un autre roman en cours ?
Pour l’instant, l’écriture des nouvelles m’avait accaparé. J’espère qu’elle trouvera un aboutissement heureux. Et puis j’écris toujours des chansons pour MelCove ! Toutefois j’ai déjà en tête la trame du troisième volet de la série que des lecteurs – ainsi que mon éditrice – me réclament déjà. On s’enfoncera encore plus profondément dans la grisaille et le tragique, vous pouvez me croire.
Pour terminer peux-tu nous présenter trois artistes de la région que tu apprécies ?
Je ne connais pas bien la vie littéraire havraise malheureusement. Cela viendra sans doute avec le temps.
En revanche, grâce à MelCove j’ai eu la chance de croiser des artistes admirables autour de la musique. Je commencerai par David Fontaine, l’ingénieur du son qui enregistre et produit nos morceaux depuis nos débuts. C’est également un musicien, un compositeur absolument génial. Son groupe Aña, mérite le détour.
Ensuite, à l’occasion de notre projet de tourner un clip par mois pour nos chansons enregistrées à la sortie du confinement, nous avons croisé la route de deux photographes (et vidéastes) extraordinaires : il s’agit de Grégory Canu et de Nathalie Gent. Très vite, nous nous sommes sentis très proches de leur univers et cette amitié artistique ne s’est toujours pas démentie. Leurs comptes Instagram respectifs sont ahurissants de beauté.
Enfin, grâce à la comédienne Marie-Gabrielle Kerbœuf qui a eu la gentillesse de jouer pour notre clip Elle a quitté la ville, nous avons rencontré Thierry Tanter, un comédien, metteur en scène et directeur du théâtre que les Havrais connaissent bien : Le Bastringue, hélas désormais fermé mais qui vient d’ouvrir un nouveau lieu dédié au théâtre : « Tadam Théâtre ! », 60 rue Michelet au Havre.
Entretien réalisé par Grégory Constantin Mars 2022