Cette semaine nous sommes allés à la rencontre de Patrick Boulnois, peintre au réalisme magique. Il exposera plus de 50 toiles à La Ligne Wallace du 24 novembre 2012 au 5 janvier 2013, alors n’hésitez pas : allez voir cette exposition unique et ouvrez grand vos yeux.
Parlez-nous de vous, quel a été le parcours qui a fait de vous un artiste connu et reconnu ?
Je suis parti de chez mes parents afin de vivre à Paris, dès mes 16 ans, pour suivre l’avis de mon dernier bulletin scolaire: « beaux-arts conseillés » lors de mon renvoi du lycée François 1er pour avoir dessiné continuellement en classe plutôt que suivi les cours de maths. J’étais déjà très déterminé !
Lorsqu’il y a plus de 20 ans l’occasion s’est présentée de reprendre le pinceau , je l’ai gardé définitivement. J’avais participé au 41 ème grand prix international de Deauville et obtenu le prix « grand finaliste » et c’était parti : Galerie Hamon au Havre , et ensuite plusieurs galeries en France ( Honfleur, La Rochelle, Vichy, Paris…) avec lesquelles je travaille encore pour la plupart et à l’étranger (Angleterre, Allemagne, Espagne etc…)
Tous les jours, environ 6 heures, dans l’atelier de façon plutôt disciplinée car personne ne me demande de le faire et on ne m’attend pas avec un tapis rouge! Il me faut impérativement la lumière naturelle car je travaille en glacis ( couleur après couleur sans mélange) ce qui me demande énormément de temps et de concentration car ma peinture est plutôt précise et compliquée pour moi !
C’est une technique de peinture qui vient de la Renaissance et qui permet d’obtenir des couleurs éblouissantes grâce à des huiles de grande qualité. Je fais le dessin d’abord ( essentiel pour trouver l’énergie de travailler sur la toile pendant plusieurs semaines en moyenne).
Je produis peu de toiles car il me faut beaucoup de temps et je tiens à faire uniquement les choses qui m’ intéressent pour aller jusqu’au bout de mon projet.
Je préfère les assez grands formats , particulièrement en triptyques ; c’est magique ! Cela me demande parfois quatre mois de travail sur le même sujet , mais cela est indispensable .
Pour moi il est essentiel d’avoir une trame à développer afin qu’on puisse « lire » et trouver une résonance intime pour converser avec le futur spectateur. Mettre un peu notre âme à nu les uns et les autres afin de créer une relation personnelle et unique avec chacun.
J’aime traiter du temps , de l’inné/acquis , de l’amour , de la mort et de cette part d’enfance qui nous a tous « modelés » à un moment ou à un autre. » Un adulte c’est un enfant avec ses cicatrices ».(L. Pons) « Never leave the hand of the child which is in you » , sont deux phrases que j’ai toujours à l’esprit…
Je n’ai pas « choisi » Le Havre ( choisissons-nous vraiment?) mais ici il y a une lumière particulière grâce à ces falaises qui la réfléchissent, sans doute.
Par ailleurs il est facile de faire des rencontres ; c’est encore une ville à taille humaine. J’aime aller « voir » les autres et le matin , pour moi, est propice car, me couchant assez tard, je ne suis pas assez intellectuellement conscient à 8 heures pour commencer à peindre , alors je vais passer une heure ou deux avec un collègue.
Vivre ailleurs ? La vie est partout : j’ adorerais !!!! Il y a tellement d’endroits fabuleux !
Il me faudrait d’autres vies, mais la mienne est aussi ici avec les miens et ils comptent plus que tout !
C’est pour cela qu’il me faudrait aussi beaucoup de temps: profiter de pouvoir lire encore plus , voir tout ce que font les autres en architecture, sculpture, cinéma,etc,etc !
Et puis voyager bien sûr, comprendre comment on vit ailleurs! J’aimerais aussi être mécène pour aider d’autres artistes et me remplir du « monde » des autres.
Quand je vais quelque part je cherche les librairies,les musées, les architectures et les ateliers. Je ne parle pas de la nature : aucun artiste ne peut faire mieux !
Comme je le suggérais le signifié est plus important que le signifiant à mes yeux, aussi les couleurs ont-elles une symbolique que l’on a un peu tous dans notre inconscient forgé par leur puissance évidente.
J’ai beaucoup étudié celle-ci et je continue d’ être fasciné par l’émotion que les couleurs procurent. Chacune d’entre elle a une influence spécifique sur notre perception du monde et je joue de ces manigances pour créer une ambiance pour étayer mon « discours » que je souhaite lisible malgré les symboles.
A chacun de prendre ce qui lui revient en toute liberté!
Quant au regard , je suis totalement subjugué voire hypnotisé par celui-ci et j’essaie d’en rendre compte dans mes toiles . C’est totalement le reflet de l’âme: on ne peut pas tricher avec les yeux !
On peut forcer sa voix , ses gestes , ses intonations, faire semblant de sourire , mais on ne peut masquer ses yeux !
Nous trouvons votre peinture « onirique », en rapport avec le rêve, qu’en pensez-vous ?
Je l’accepte totalement pourtant je ne souhaite pas trop rêver ma vie mais vivre mon rêve.
Dans ma peinture j’ai envie de montrer que l’on peut exister autrement. L’universalité de cet univers que je propose accorde toute liberté d’interprétation et le rêve en est une composante indispensable.
Par contre ,au fond, rien ne nous dit qu’il n’y a pas une certaine réalité possible dans ce que je montre. Un courant pictural que j’aime s’appelle le « réalisme magique », j’y adhère vraisemblablement bien.
Les surréalistes ont traité de cela aussi : utiliser son inconscient pour créer une nouvelle réalité.
Je n’ai pas plus la réponse que le spectateur quand je propose un monde, mais j’essaie de le rendre accessible à la réflexion sur notre passage sur terre.
Vous avez été inspiré par la peinture de la Renaissance, par les Maîtres flamands, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, ce qui vous plaît dans cette période ?
La Renaissance (ou le quattrocento en Italie) a été une époque révolutionnaire au point de vue scientifique , humaniste et de l’art mais coincée dans les idées religieuses , aussi c’est essentiellement du point de vue technique que je suis fasciné par l’éblouissante foison d’artistes époustouflants comme Vinci, Van Eyck, Filipo Lippi, Botticelli, et bien sûr G. Bosch !
L’art moderne a aussi révolutionné notre univers pictural mais à mes yeux les artistes du XV ème sont inégalables et je ne m’y frotte qu’avec modestie !
Je comprends ces personnes qui n’osent pas entrer dans ces galeries qui souvent traitent les gens comme des consommateurs ( ce n’est pas systématique évidemment!) , mais je trouve cela dommage !
Sans l’art la vie n’a plus de goût , aussi faut-il forcer les portes des ateliers et des galeries qui sont totalement ouvertes aux « non initiés » ! Au contraire les artistes sont tellement heureux de PARTAGER !
L’art est à tous même si c’est surtout aux plus riches , mais regarder est à la portée de chacun, alors profitons-en et vivons ce bonheur de jouir des trésors du monde. C’est comme le soleil, l’Art, tout le monde y a droit .
Et puis on n’est pas obligé d’acheter non plus, par contre on peut souvent s’offrir un petit quelque chose d’un artiste qu’on adore! Je n’ai pas de Joconde chez moi , mais de beaux talents sont encore abordables.
Sur quelle œuvre travaillez-vous en ce moment ?
Un triptyque consacré à « Alice au pays des merveilles »… mais ce n’est pas certain encore !
Il est dessiné mais c’est un grand morceau alors il se peut que ,par frayeur, j’attaque autre chose entre temps pour y revenir plus tard… et aussi parce qu’en fait je prépare ma prochaine exposition dans les 1000 m2 de l’espace de » La Ligne Wallace » du 24 novembre 2012 au 5 janvier 2013.
Il y aura là rassemblée la plus importante collection de toiles que j’ai jamais montrée depuis le début de ma carrière : plus de 50 toiles de toutes les époques et des collections privées jamais présentées au public.
J’ai hâte !!!!
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