Nous avons tous un jour plié une feuille de papier pour la transformer en avion, en bateau ou pour en faire une cocotte. Un Fécampois est devenu un maître en Origami, après plusieurs années d’apprentissages et d’expériences de cet art. Eric Vigier « Le Plieur Fou » expose aujourd’hui à travers le monde ses magnifiques créations. L’artiste est venu nous rendre visite au studio et nous a offert un passionnant entretien.

Bonjour Eric, pouvez-vous présenter l’artiste que vous êtes ?

Qui est le plieur fou ?

Je suis démesure passionnelle. Je suis un esprit libéré des conventions et influences et dont les créations sont à son image: une part de ma personnalité qui se sait imparfaite, car la recherche de la perfection ne laisse pas de place à l’imagination dans la création.

Mon âme d’artiste a appris à souffrir de cette contradiction car la réussite d’un acte n’est pas liée à sa perfection.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’origami ?

L’origami est l’art du pliage de papier, issu d’une histoire pluri-culturelle. Cet art n’a aucune limite, non pas parce que l’art par définition n’a aucune limite, mais parce que cet art est issu de la magie. En effet, c’est un art de la transformation contrairement aux arts qui s’effectuent par ajout ou retrait de matière. Ici nous avons tout dès le début et transformons cette feuille en un autre « tout » !

Comment êtes vous arrivé à pratiquer cet art ?

J’ai toujours eu une âme d’artiste, besoin de m’enfermer dans un autre espace-temps. Mais j’ai mis du temps à trouver mon médium de prédilection. Puis le pliage de papier m’est apparu à travers un film d’action où lors d’une scène, je fus émerveillé par la transformation d’une simple feuille de papier.

Cet élément déclencheur était la conjonction de 3 éléments de ma personnalité : la nature, les casse-têtes et l’art.

A quel moment êtes vous arrivé à un niveau professionnel ?

J’ai commencé en 1998. 3 ans après, je créé mes propres modèles.

Et ainsi pendant 11 ans. Mais j’ai, pour la première fois, insufflé ma propre personnalité dans mon travail en 2012. J’ai totalement arrêté d’interpréter les modèles des autres en 2014 et je suppose que c’est à cette époque que je suis réellement devenu le plieur fou.

Quels sont les artistes qui vous ont influencé et motivé ?

Essentiellement des artistes plieurs de papier , Akira Yoshizawa et mon ami Eric Joisel. Je peux citer aussi Dave Brill, Joseph Wu et Giang Dinh

Quel a été l’élément majeur pour votre passage d’amateur à professionnel ?

Un licenciement … mercredi 09 octobre 2013. Une impossibilité à pouvoir retourner dans le monde du travail. Son désordre, son chaos.

Quel est la création dont vous êtes le plus fier ?

Toujours difficile de choisir lequel de ses enfants est son préféré …

« Ballade d’été  » (le filet à papillon avec papillon) et le mouton sont en soi un sérieux aboutissement.

« Know thyself » et « Solitude » sont fort en émotion  puisqu’ils sont une part de moi.

Tesselectopus est l’image de ma volonté, oeuvre réalisée sur 3 ans, il m’est impossible de ne pas aller au bout.

Avez-vous une technique propre à vous ?

L’art de l’origami est un art strict régit par un solfège. Mon travail, à la différence des autres, est justement de ne pas me cantonner à une technique spécifique, mais d’avoir recours à un mix de techniques en un seul modèle et le modelage par le pli courbe durant la réalisation du modèle.

L’origami vous a t-il permis de beaucoup voyager ?

Déjà pas mal à mon goût , dans le sens où je n’aurais effectivement pas pu imaginer que plier un bout de papier me permettrait d’exposer à l’étranger (Belgique, Espagne , Japon, Allemagne) et un peu partout en France.

Quels sont les voyages qui vous ont  le plus marqué ?

J’ai été fort agréablement surpris par l’accueil fait à mon travail par les Espagnols.

Que ce soit pour l’exposition au musée de Saragosse ou en tant que premier invité d’honneur à la convention nationale espagnole de 2018.

Où pourrons-nous prochainement découvrir vos créations ?

A ce jour, comme souvent en période hivernal, rien de prévu au planning.

Proposez-vous des formations ?

C’est effectivement un des grands axes en tant que professionnel : donner des cours issus de mes 20 ans d’expériences dans le domaine.

Vous êtes autiste, l’origami est elle une thérapie pour vous  ?

Bien avant de parler d’autisme, il me semble que l’art est pour tout « véritable »artiste  un exutoire et une thérapie en soi. Pour l’autiste asperger que je suis, il s’agissait en premier lieu d’être une bulle sécuritaire (intérêt restreint / spécifique dans le jargon médical)  et donc un enfermement. Puis il est devenu, dès mes premières créations, vecteur d’intégration sociale.

Vous avez réussi à vivre de votre art là où beaucoup ont échoué. Vous sentez-vous un peu comme modèle pour les enfants autistes que vous rencontrez ou qui vous suivent ?

Il faut être honnête : la vie d’artiste reste plus que difficile et il s’agit plus d’en survivre que d’en vivre , mais la richesse est tout autre, elle est humaine !

Je souhaite être un modèle pour le plus grand nombre, autant pour les enfants que les adultes , quelque soient nos différences . Tout autant s’il s’agit d’enfants autistes.

Faîtes-vous des conférences pour parler de votre expérience ?

Je commence à intervenir dans les structures de notre région, avec mon art, c’est un début . Si cela perdure et évolue dans le bon sens, alors nous pourrons parler de faire des conférences à ce moment là .

Pouvez-vous nous présenter 3 artistes de la région Havraise que vous appréciez ?

Puisque nous avons parlé d’autisme, il me semble de bon ton de parler de la troupe de théâtre de collègues autistes de la ville du Havre : les As Sociés.

Bien évidemment, je suis assez fan de Jace.

pas de 3eme en tête.

Entretien réalisé par Grégory Constantin,  Décembre 2018

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