Vous avez sûrement croisé ici et là d’étranges créatures aquatiques en papier, collées sur les murs Havrais. Ces œuvres sont issues de l’imagination de Teuthis un illustrateur et affichiste Havrais qui expose actuellement à la Galerie Hamon. L’artiste a accepté de répondre à mes questions dévoilant notamment quelques énigmes de son univers.
Bonjour Teuthis, peux-tu te présenter ?
Je suis illustrateur et affichiste, originaire du Havre.
Comment est tu arrivé à faire du Street-Art ?
Durant le collège, j’ai commencé à forger des lettres et des perso’ sur des agendas. Au lycée je suis passé aux bombes, sous le pseudonyme « Nawek » en 2003 avec de belles rencontres dans les terrains vagues essentiellement. Mon style a lentement dérivé vers le dessin naturaliste, géométrique, abandonnant progressivement les bombes pour l’affiche sous un nouveau nom, « Teuthis » dès 2013 avec le collectif L2A.
Quels sont les artistes qui t’ont inspiré à l’époque ?
Ouch… beaucoup! Tout jeune, le trio Jace/Nefase/Kéro, puis la vague havraise des années 2000 : Dude/Lord/Prop/Ratur/Sckaro/Murdok/R2000/Bside/Konz…
Pourquoi avoir choisi ce nom Teuthis ?
Cela signifie « calmar » en grec ancien, j’ai eu l’occasion d’étudier ces espèces lors de mes études, c’est pour moi une espèce emblématique, mystérieuse et représentative de mes inspirations. C’est une particule utilisée dans le nom scientifique de nombreuses espèces de calmars (ex : Calmar géant = Architeuthis dux) et qui peut faire référence à Téthys, la divinité marine primordiale de la mythologie grecque, ou encore l’océan qui a scindé la Pangée… Bref, du 100% aquatique.
Tu exposes pour la deuxième fois à la Galerie Hamon en décembre, comment s’est passée votre première rencontre ?
J’allais régulièrement à la galerie Hamon pour les expo’, des encadrements ou du matériel de dessin, la rencontre s’est donc fait progressivement avec Fiona (la gérante). Elle m’a proposé de déposer quelques dessins vers 2014, puis une expo solo en 2017, avec carte blanche et bonne ambiance…
Es ce que qu’un artiste peintre avant un vernissage peut rencontrer le même stress ou angoisse qu’un musicien ou un comédien avant la 1ère de son spectacle ?
Le pic de pression, c’est le dernier mois de préparation… Le vernissage c’est l’extase, sans doute comme un musicien ou un comédien au final !
Peux-tu nous parler un peu ta technique ?
Je procède souvent de la même façon : je choisi mes sujets selon l’esthétique et les enjeux graphiques (structure d’une carapace, trame d’écailles, courbes d’un scaphandre, etc.), en me basant sur des photographies, des illustrations et des descriptions scientifiques. Cela me permet d’obtenir la forme la plus déployée et précise possible. J’ajoute ensuite une touche graphique, sous forme de lignes géométriques et de cassures, pour donner du dynamisme et de la profondeur. Pour finir, je réalise à l’encre les aplats de couleurs, les contours et la texture tramée. Une fois l’illustration terminée, je passe à la phase affichage, qui est une tout autre démarche. Je sélectionne un mur adapté en ville (emplacement, couleur, texture, etc.), j’en prends les mesures, je scanne le dessin en haute définition pour pouvoir l’agrandir par impression numérique sur des lais de papier au format du mur, puis je le colle.
Pourquoi avoir choisi comme sujet d’inspiration le monde marin ?
J’ai grandi à proximité des quais havrais, en passant une grande partie de mon temps à pêcher et à observer la faune marine locale. D’autre part, je me suis toujours intéressé aux vieux livres naturalistes et aux muséums/aquarium. Mes études d’océanographie à Paris m’ont conduit à travailler à la station biologique de Roscoff, au contact direct des plus beaux estrans, ou encore en Australie pour étudier la migration des raies et requins… toutes ces raisons font que ce n’est pas un hasard si mon dessin s’oriente sous le zéro hydrographique. Les couleurs minérales du Havre ont probablement eu un impact sur mes choix de couleurs aussi…
Beaucoup d’artiste de street art comme toi, choisissent de communiquer anonymement, peux tu nous expliquer pourquoi ?
Je pense qu’initialement les graffiteurs utilisent des pseudonymes accrocheurs pour marquer les esprits et placarder leurs noms partout sans se soucier qu’on les retrouve, c’est une tradition qui a déteint sur le street art au sens large aujourd’hui, même si les enjeux juridiques sont souvent moins grands, notamment avec de l’affiche. C’est aussi un moyen de mettre en avant mes illustrations plutôt que ma personne.
Hyper difficile à sélectionner, alors j’en choisi 3 différents :
– PierO : le nec plus ultra de l’illustration technique et organique.
– le duo Prop/Moi89 : le bel esprit graffiti, sur mur comme sur feuille.
– Miguel Do Amaral Coutinho : le fédérateur et créateur de l’association des Amarts. Sans lui, la dynamique artistique havraise ne serait pas ce qu’elle est.
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