Alexis Dendiével est un compositeur arrivé au Havre il y a 20 ans. Il a maintenant  24 albums à son actif et travaillé avec de nombreux artistes de la région Havraise comme Emilie Yojenka, Amandine Buffet, Sandrine Prevel–Delamare, Sébastien Lemoine et le groupe Spiral. L’artiste est sur tous les fronts cette année.  “Magnitude”, son album tiré du spectacle de La Lice vient à peine de sortir et 2 autres sont en préparation. Découvrez avec nous l’univers symphonique d’Alexis !

Bonjour Alexis

Partons quelques années en arrière, pourrais-tu me dire à quel âge et sur quel instrument tu as commencé à jouer de la musique ?

Il y avait un piano dans la maison où je suis né dans le Nord, et une école de musique qui coûtait 5 francs par an (le prix de quelques timbres pour la rentrée et l’audition de fin d’année). Alors je suis allé à l’école de musique et j’ai appris le piano, parce que faire un autre instrument, ce n’était pas évident sur le budget de la famille pour mes frères et soeurs.

Ensuite, j’ai appris la flûte traversière, parce que je voulais jouer de la flûte traversière mais on m’avait dit que j’étais trop petit! Là, j’avais l’âge, et l’école de musique m’en a prêtée une pour un an, et pour tout vous dire, c’est le directeur de l’école, un accordéoniste  qui m’a appris la traversière.

Je suis entré ensuite à l’harmonie municipale d’Hazebrouck, qui prêtait aussi des instruments. Je joue depuis la traversière.

Mais il manquait quelque chose. Un jour dans un vide grenier, j’ai acheté avec mon argent de poche une vieille mandoline et je m’y suis mis tout seul. C’est rigolo la mandoline, c’est léger à promener et ça accompagne les chansons. Puis, étudiant,  j’ai acheté ma première guitare folk, et un jour on m’a prêté une basse. Voilà

Quels étaient les artistes que tu appréciais à l’époque ?

Au collège, on avait chacun un 45 tour pour les « boom » avec les filles, et celui que j’avais et que je ramenais, c’était « L’aventurier » d’Indochine ». Je l’ai toujours.

Au lycée, j’aimait beaucoup Higelin, et Sade, aussi Alan Stivell ainsi que la musique contemporaine que je découvrais: Schoenberg, Berg et Weber, Pierre Henry, Xenakis, et Boulez.

 

A quelle âge as tu composé tes premières créations professionnelles ?
A 24 ans. Dans cette belle histoire qu’est la musique, on se découvre au fur et à mesure. Je me suis découvert un réel intérêt pour la composition à 20 ans. Quelques années plus tard, je composais pour le théâtre, la marionnette, et aussi un « hymne à la nature » pour le festival du film nature environnement de Grenoble. Le début d’une longue histoire.
Tu es l’un fondateur du collectif VXL records peux-tu nous en parler ?

On était plusieurs, on voulait faire un disque. J’en avais déjà fais un, «  Boite noire », et ça m’avait coûté des sous.

On s’est dit « on va faire un disque et ça ne nous coûtera rien ». C’est ce qu’on a fait pour «  Vinaigrette », le premier album de l’Arène des Sans godasse.

On a créée « Voix lactée » pour l’occasion, une association que l’on a ouvert ensuite afin de partager cette expérience d’auto-production.

C’est devenu VXLrecords pour la partie label et production indépendante.

L’association est un collectif maintenant, où l’on échange, où l’on questionne sur les projets des uns et des autres, ou l’on aboutit aussi. C’est également une mutualisation des moyens matériels tant pour la scène que pour l’enregistrement, et des moyens humains quand il en est besoin.

Ce projet est en devenir et s’est doté récemment d’une édition, « Les éditions du petit diable », pour la poésie.

Notre mot d’ordre depuis le début est « et pourquoi on ne le ferait pas! faisons le par nous même ».

Tu as depuis réalisé beaucoup d’albums et travaillé avec de nombreux artistes. Quelle est aujourd’hui ta vision de la scène Havraise ?

Oulala, cette question n’est pas simple, parce que la scène havraise vit et change. Je dirais qu’elle est multiple, qu’il y a plusieurs scènes havraises. S’il ne fallait parler que de la musique, elle a au moins 4 composantes qui parlent peu entre elles, et c’est dommage. Le rock bien sûr, la chanson, le jazz et le classique. Moi, j’aime bien tout ce qui fait bouger les lignes. Par exemple le Lavomatic tour à l’initiative de Nathalie Le Guillanton, l’implication en jazz de Romain Lutrot et Sébastien Guillaume aussi pour la musique d’ensemble, le « j’ose » sur la chanson d’Emile Yochenka, Martial Florentiny, Gilles Adam et Gaelle Caetano par exemple, la véracité d’un groupe comme Spiral qui pose son concert toujours meilleur sans chichi depuis des lustres, les expériences sonores de Mathilda Tree avec Anaïs et Gaetan, ainsi que celles de Shubni entre autre, des Red Lézards et j’en oublie. Pour être exhaustif, il faudrait aussi demander à Sarah, François, Laure, Charles, etc … et d’autres aussi.

Cela dit pour la musique uniquement. La scène Havraise est effervescente et en devenir permanent. Elle reste, hélas, souvent cloisonnée dans les cercles de formes, de goûts, de styles, de connaissances, d’intérêts, de quotidien peut-être, de quartiers, et c’est dommage.

Quel est ton regard sur le monde de la musique après plus de 20 ans en tant que professionnel et maintenant comme amateur ?

Ce monde a changé, faut-il s’en étonner? Pourtant la musique, elle, ne change pas.

Ce qui n’a pas changé, c’est l’appel de la muse qui dit « tu ne peux faire autrement que de t’occuper de moi », c’est peut-être intemporel.

La musique fait partie des arts premiers, comme la danse et la peinture. Notre espèce n’a pas mémoire de sa naissance.

J’avais 16 ans quand la muse m’a dit ça, et ce qui ne change pas non plus, c’est que répondre à la muse c’est beaucoup de travail et une certaine exigence à lui parler, que ce soit en professionnel ou en amateur.

On en tire une richesse aussi, bien sûr, mais il faut d’abord donner, questionner, se remettre en cause, avancer, se tromper, très humblement.

Ce qui a changé, c’est peut-être le rapport à la musique :

A 2000 Euros, tu peux avoir un home-studio

A 40 balles tu partages un album sur la toile

A quoi sert l’outil si tu ne sais qu’en faire?

Nous sommes aux temps des troubadours, des trouvères, comme cela a toujours été.

La plupart d’entre nous tire le diable pas la queue.

La seule chose que je vois de changée, c’est la loi des grands nombres :

Plus nombreux sont ceux qui savent jouer un la mineur.

Plus nombreux sont ceux qui savent faire un son sur ordinateur.

A quand le robot compositeur (ça existe déjà).

Le monde de la musique change, il se cherche encore une fois un modèle économique qui n’a jamais profité aux musiciens.

Mais la musique elle, ne change pas et c’est pour cela qu’il y aura toujours des musiciens à questionner la muse !

Tu viens de sortir l’album Magnitude, bande originale de la dernière création de La lice, quel est le processus de création d’une oeuvre comme celle-ci ?

Je travaille avec Sandrine Prevel-Delamare, chorégraphe de la compagnie La lice, depuis plusieurs créations.

Notre recherche est commune à mélanger la danse contemporaine et la musique.

Le processus de création est lié à de nombreux échanges, également à un ressenti pour chacun de ce que l’on aimerait partager, à une simplicité.

Sur Magnitude, nous avons pris le temps avec les danseuses également, Sandrine avait une idée « intentionnelle » et je m’y suis inscrit.

Un projet intentionnel, ça reste dans la tête comme une musique de fond, quand on y participe.

Un jour, en vacances, j’ai entendu un son, un bruit, dans un petit village des alpes. Je me suis approché, ça venait d’une fabrique. Ce son a percuté l’idée que je me faisais du projet, alors je l’ai enregistré.

Je l’ai présenté à Sandrine, en lui disant « voici mon point de départ », ce qu’elle a validé.

La suite est simple, quand on a l’idée.

Travail en studio de musique pour développer l’histoire, proposition en studio de danse pour prendre la mesure aller-retour et inversement et voilà !

La musique s’est inspirée de la danse qui s’est inspiré de la musique tout simplement !

Quels ont été tes sensations lorsque tu as vu la première fois les danseurs danser sur ta musique ?

J’ai été très ému, vraiment très ému!

Et puis je n’ai rien dis, j’ai tout écouté.

Et puis, à l’abri de tous, j’ai versé une larme d’émotion.

Et puis je suis rentré chez moi et me suis mis au travail.

Parce que même si c’était bien, ça pouvait être mieux.

Et ça a été mieux,

Je n’en reste pas moins ému.

Voir sa musique en danse, houlala.

Tu es sur le point de terminer Symphonia que l’on peut partiellement écouter sur ton site. Quel est l’objectif majeur de cette création ?

C’est simple et complexe à la fois

J’ai décidé d’écrire une symphonie. Décider c’est simple, ce qui est  complexe, c’est faire.

L’objectif? Questionner le papier à musique, poser sur partition la musique du crâne,

Questionner l’ensemble symphonique : les 4 familles que sont les bois, les cuivres, les percussions et les cordes… et bien sûr espérer l’entendre joué par un orchestre symphonique!

J’ai terminé l’écriture du premier mouvement (peut-on terminer ce genre d’histoire?).

J’en suis à la moitié du deuxième mouvement sur l’écriture.

Symphonia aura 3 ou 4 mouvements, je ne sais pas encore.

Ça s’inscrit dans le temps, le réel objectif est de relever le défis que je me suis posé, à savoir écrire une symphonie!

Comment arrives tu à financer un projet comme celui-ci ?

Pour ce projet là je n’en sais rien encore.

N’ambitionnant ni la gloire ni la fortune.

Je lancerai peut-être un financement participatif quand j’aurai terminé posément la partition afin qu’elle puisse être jouée.

La partition existera, comme elle existe déjà sur le premier mouvement.

La vrai question n’est-elle pas le financement des oeuvres de l’esprit?

De celles que j’ai déjà pu faire, la question du financement a toujours été secondaire.

Il est pourtant des oeuvres de l’esprit!

Tu as réalisé un album pour enfants, ta méthode de travail est elle la même que pour celle d’un album symphonique ?

Oui effectivement j’en ai réalisé un  « la journée d’Irène».

Et ce n’est pas la même chose.

C’est comme une récréation.

Pourtant, les enfants sont très exigeants!

Ce qui change c’est le propos, et non la qualité.

Le propos est surement plus léger.

Peux tu nous parler de celui qui est en préparation ?

C’est un conte, une histoire.

Ca s’appelle « les enfants des étoiles ».

Une petite fille questionne son papa sur ce qu’il y a dans le ciel, la nuit, alors qu’elle s’endors presque,une étoile filante vient la questionner.

Elle part en voyage avec elle et rencontre les enfants des étoiles qui cherchent un petit brin d’éternité, parce que leur soleil s’est endormi.

C’est un conte pour petits et grands enfants.

As tu eu dans ta carrière une rencontre artistique déterminante ?

Plusieurs, et pas que des artistes des amis de longue date dans le Nord et vers les montagnes.

Yves Bouvard, qui m’a initié au son,  Esther chanteuse de mon premier groupe, qui questionner le violon let le violoncelle  et Philippe aussi.

Fred cet excellent musicien des terres froides,  Moscardo B qui groove comme j’ai peu entendu.

Chaek avec son savoir faire, son énergie et son humanité (très belle musique Chaek).

David Jacob et son accueil, comme un livre ouvert à l’invitation, Margarita et Olivier Mazuay vers la peinture.

Cat et Laurent pour une rencontre artistique déterminante, de longue date et toujours vivace.

la liste serait longue…

En fait, quand on décide de prendre le chemin d’une création sur un long terme on en rencontre des artistes déterminants, on les détermine aussi comme ils nous déterminent.

Quel est la création dont tu es le plus fière?

Surement « Entre-peaux », le film chorégraphique de la compagnie La Lice sorti il y a peu en DVD et au cinéma « ls Studio » au Havre

Parce que c’est une oeuvre contemporaine à plusieurs.

Hervé Delamare à la réalisation.

Sandrine Prevel-Delamare à la chorégraphie.

Pascal Linet à la Photographie.

Une danse amateure en extérieur riche de coeur.

J’en ai fais la musique, et la projection au studio en bouleversé plus d’un.e.

Bref, une très grande petite chose.

Quel est la ou les scènes que tu apprécies le plus ?

J’aime le bistrot et le Chat Bleu, les embruns.

Ces lieux d’intimité, de proximité et de simplicité.

A bien y réfléchir, j’adore l’extérieur, peu utilisé au Havre, comme le théâtre de verdure juste à côté du prieuré de Graville.

J’aime tous les lieux qui osent.

Pour terminer, quels sont les 3 artistes de la région Havraise que tu souhaites nous faire découvrir ?

Sandrine Prevel-Delamare (chorégraphe).

Olivier Mazuay (artiste peintre).

Romain Lutrot (Musicien s’il en est).

Entretien réalisé par Grégory Constantin Avril 2018

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