Comédien et scénariste, Jean-Marc Culiersi lance en 2014 sa propre société de production, Films du lion. « Dernier remords avant l’oubli » est le premier film qu’il produit, et ce dernier prends place en Normandie.

Bonjour Jean-Marc, peux-tu te présenter

Jean-Marc Culiersi, né à Paris il y a 54 ans, fils d’immigrés italiens.
Comédien, j’ai été formé au Cours Jean Périmony, puis metteur en scène avec ma compagnie le Studio-Théâtre de Saint-Denis. J’ai fait mes premiers pas dans le cinéma comme scénariste en 1998 (« Une vie de Prince » réalisation de Daniel Cohen).

Je suis passé à la caméra en 2006 avec mon premier court-métrage « Perte de Contrôle » qui a été sélectionné au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand.

En 2014 j’ai créé ma société de production LES FILMS DU LION avec laquelle j’ai réalisé mon premier long métrage « Derniers remords avant l’oubli ».

Tu as débuté ta carrière artistique par le théâtre. Quels ont été tes premières approches avec cet art ?

En septembre 1985, je rentre au cours d’art dramatique Jean Périmony. Et c’est avec des élèves du cours que je crée mes premiers spectacles, des pièces du répertoire.
Ma rencontre avec Serge Lipszyc et la compagnie du Matamore en 1989 est un tournant. J’adhère à une aventure collective portée par une vision pertinente d’un
théâtre populaire et exigeant. Je noue avec eux une relation humaine et artistique sincère et forte.
Parlant couramment italien, je joue aussi en Italie avec le Teatro delle Briciole et Cà Luogo D’arte. Deux compagnies de Parme.

Le théâtre m’a appris à respecter la parole et l’univers de l’auteur tout en ayant un point de vue, une vision personnelle. Il m’a appris à placer l’acteur au centre du projet tout en m’appuyant sur un collectif.

Quels sont tes plus beaux souvenirs de théâtre ?

La première fois que j’ai joué devant un public. C’était « On ne badine pas avec l’amour » de Alfred de Musset, avec les élèves du Cours Périmony. Cette sensation
grisante où on se sent à sa place, comme une évidence.
Avec la Compagnie du Matamore, nous avons joué « Arlequin serviteur de deux maîtres » de Goldoni. Un travail collectif, une vraie réussite qui nous a permis de tourner le spectacle en France, en Europe et en Afrique.
Enfin, ma première mise en scène en sortant du Cours : la direction d’acteurs, l’élaboration d’un projet dans tous ses détails, un travail d’architecte… La création dans toute sa plénitude.

Ta question suggère peut-être aussi mes plus souvenirs comme spectateur ? Et le premier qui me vient à l’esprit est celui-ci : J’avais 16 ans et je découvrais « La
cerisaie » de Tchekhov dans une mise en scène de Peter Brook. Ce fut un vrai choc.
Tout y était : un texte formidable, des acteurs prodigieux et une mise en scène exceptionnelle – une communion avec le public tangible. Je suis sorti de cette
représentation troublé, je ne savais pas encore que cette expérience allait influer sur mes choix d’avenir.

Quels sont les artistes à l’époque qui t’ont inspirés ?

Il y en a pléthore ! Mais il me semble que si je fais une liste exhaustive on peut y mettre des peintres comme Matisse, Ensor, Dix, Goya ; des hommes de théâtre comme Peter Brook, Patrice Chéreau, Giorgio Strelher… des cinéastes comme Fellini… des acteurs comme Mastroianni…

Tu es passé ensuite à la mise en scène…

En 1995, je crée le Studio Théâtre de Saint-Denis, pour lequel j’écris et je mets en scène au Théâtre Gérard Philipe : Nouvelles Lunes en collaboration avec Valentina Arce, Yvonne la Madone de la Plaine d’après Didier Daeninckx, puis Samuel ou la désaffection de Laurent Villate à Paris…

Comment es-tu arrivé à l’écriture de scénario ?

C’est grâce à La Compagnie du Matamore que je rencontre Daniel Cohen, nous coécrirons notre premier scénario « Une vie de prince » qui sera acheté par la société de production Lazennec Films.

Quels sont les films sur lesquels tu as travaillé ?

« Une vie de prince » donc puis « Les deux mondes » coécrit avec Daniel Cohen qui en est le réalisateur, « La Storia di B. » et « Les marais criminels » coécrit avec le réalisateur Alexandre Messina. Mais d’autres projets passionnants sont abandonnés, pas toujours pour de bonnes raisons, et sans que je puisse m’y opposer, le scénariste ayant peu de poids dans les décisions de production : paradoxe absolu, quand on sait ce que représente d’essentiel un scénario dans le montage financier d’un film. Ce constat, entre autres choses, m’incitera par la suite à devenir producteur.
En 2010, j’ai débuté une collaboration avec le réalisateur Jean-Pierre Sinapi, nominé aux Césars et plusieurs fois primé dans des festivals internationaux. Nous avons écrit pour la télévision l’unitaire « Une vie française » diffusé sur France 2 en septembre 2011, primé au Festival de Luchon et qui a reçu le prix du syndicat français de la critique de cinéma et de la télévision 2012. Nous avons développé pour la Pan-Européenne un long-métrage intitulé  « Avanti Musica » qui raconte l’histoire d’un jeune musicien italien qui découvre le jazz alors interdit dans l’Italie fasciste, il découvre aussi à travers la musique l’engagement politique : un film toujours en attente de réalisation ! Pour la télévision, j’ai aussi participé au scénario « 15 jours ailleurs » (co-scénariste Philippe Bernard) réalisé par Didier Bivel, diffusé en octobre 2013, et qui a été primé à Luchon.

Tu as commencé la production de film en 2017 avec ton film « Derniers remords avant l’oubli ». Avant de nous en parler, peux-tu nous expliquer comment tu l’as financé ?

Sans aide du CNC ou d’une chaîne, il a fallu inventer ou du moins s’intéresser à des modes de financement alternatif et assumer le budget maîtrisé (forme pudique pour petit budget) du film. Nous avons entrepris une campagne de crowdfunding (Ulule et Arts Valley) qui a été un vrai succès. Des amis mécènes ont mis la main à la poche. J’y ai mis aussi de l’argent personnel. Mais surtout nous avons eu la chance de tourner notre film à Gonfreville dans le Cotentin dans des conditions d’accueil exceptionnelles grâce au soutien généreux d’entreprises de Lessay et de Périers principalement et de la municipalité de Gonfreville.
Il faut aussi préciser le film a pu se faire aussi avec l’aide des techniciens, des acteurs, qui ont accepté d’adapter leur salaire à l’économie du film, et les réductions de prix importantes pratiquées par certains fournisseurs de matériels et de caméras.
Le tournage s’est fait sur une période de 15 jours, c’est court pour un long métrage mais c’est cohérent avec l’économie et la philosophie du film.

Tu as tourné ce film en Normandie, pourquoi avoir choisi cette région ?

Pour sa lumière, les rencontres que j’y ai faites, et la maison parfaite pour l’histoire m’ont convaincus que c’était l’endroit idéal pour y tourner notre histoire.

Peux-tu nous parler du scénario ?

Nous avons adapté la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce.
Un dimanche à la campagne, au début des années 90, dans une maison où trois des personnages (Hélène, Pierre et Paul) ont vécu une histoire d’amour vingt ans plus tôt…
l’esprit communautaire, les années 70, après Mai 68…

Puis ils se sont séparés.
Pierre vit toujours en solitaire dans cette maison. Hélène et Paul se sont mariés chacun de leur côté, ailleurs.

Ce jour-là, ils reviennent avec conjoints embarrassés et enfant
insolent pour débattre de la vente de la maison, naguère achetée en commun et qui a pris de la valeur. Ils ont besoin d’argent. Mais sont-ils seulement venus pour cela ? Il y a dans les placards des cadavres sentimentaux, des secrets, des idéaux perdus et des
remords…

Derrière cette très belle histoire d’amour c’est une réflexion sociale et politique qui est
proposée.

Quand est-on sincère dans notre engagement politique et de vie? Est-ce quand les choses se font ou quand elles finissent ? Pierre, Paul et Hélène sont des petits bourgeois qui ont cru pouvoir échapper à leurs origines, ils y ont cru le temps d’une parenthèse enchantée. Hélène et Paul en font subir les conséquences aux autres, leurs proches. Il faut vendre la maison pour en finir définitivement avec ce passé. Mais ce n’est pas si facile. Une comédie douce amère sur l’amitié et l’amour, sur l’arrangement avec la réalité. Avec le passé.

Qui sont les comédiens ?

La distribution est celle de la pièce qui a été créée à Paris dans la mise en scène de Serge Lipszyc avec la Compagnie du Matamore :
Bruno CADILLON, Valérie DURIN, Serge LIPSZYC, Juliane CORRE, Lionel MUZIN et Mathilde COURCOL ROZÉS

Quel a été son mode de diffusion ?

J’ai fait le choix délibéré de favoriser 3 types de diffusion : l’avant-première en salle (nous avons présenté le film dans toute la France avec un débat à l’issue de la projo), les Festivals (Le Croisic, Cholet…).
Et surtout nous avons innové avec le WEB : pour la première fois en France un film est passé en exclusivité sur un site de Cinéma : pendant 5 semaines il a été proposé sur le Cinéphile Anonyme créé par Paul Robein https://lecinephileanonyme.com/articles/

Nous avons fait plus de 5000 vues ! Et élément important la moyenne d’âge était de 22 ans. Important pour un film d’auteur difficile.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Après «Derniers remords avant l’oubli» je souhaite avec Vincent MABIRE, mon partenaire de route, Ambassadeur de la Normandie, porter à l’écran un second projet, plus ambitieux qui valorisera l’image du Cotentin, et donc de la Normandie, à l’échelle
locale, régionale, nationale puis internationale.
L’œuvre choisie est l’adaptation du livre «L’Ensorcelée» de Barbey d’Aurevilly, auteur natif de Saint Sauveur le Vicomte, dont l’intrigue se déroule en 1801 au cœur de la Manche.

Passion, Histoire, et Fantastique sont les maîtres mots de cette œuvre magistrale au cœur d’un Cotentin sublimé par ses décors somptueux.

Sera-t-il produit, joué et réalisé (la technique) par des Normands ?

Oui. Absolument. Je souhaite pouvoir implanter Les Films du lion à Cherbourg en 2020.
La démarche, inédite dans le monde du cinéma est de partir ex nihilo du territoire en s’appuyant intégralement sur le tissu institutionnel, économique, associatif et culturel pour mener le projet. Concrètement toutes les parties prenantes seront prioritairement du Cotentin, puis globalement de Normandie : partenaires publics, financiers, techniques, distribution, équipes de tournage, casting, figurations, écoles, établissements adaptés …

Quels sont les 3 films qui t’ont marqués particulièrement ?

Amarcord, 8 et demi de Fellini, La Nuit du Chasseur de Charles Laughton, Los Olvidados de Bunuel, Nous ne vieillirons pas ensemble de Pialat, et… Mince ça fait plus de 3 !!!!  

Peux-tu nous présenter 3 artistes de la région de Cherbourg ?

Le réalisateur et scénariste Didier Philippe, le Collectif Cherbourg Project, le chanteur et photographe Alain Briant.

Et pour terminer quand emménages-tu en Normandie ?

Bientôt.  

Entretien réalisé par Grégory Constantin Septembre 2019

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