Alexandre Plesis fait parti de ces nombreux artistes normands qui pratiquent leurs arts professionnellement à l’étranger.  Alexandre est aujourd’hui  un danseur du Ballet de l’Opéra de Bucarest. D’abord danseur de modern jazz, sa curiosité l’oriente vers  la danse classique. Venez découvrir son parcours passionnant et atypique en lisant cet interview.

Bonjour Alexandre peux tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Alexandre Plesis, j’ai 26 ans et suis aujourd’hui danseur au Ballet de l’Opéra de Bucarest.

Comment es tu arrivé à pratiquer la danse ?

Depuis petit, je danse. Cela a en quelque sorte toujours fait partie de moi. Je dansais partout, avec ou sans musique, j’apprenais des chorégraphies vues dans des vidéos.

Cette pratique en autodidacte a duré jusqu’à mes dix ans. C’est à cet âge que j’ai souhaité commencer à prendre des cours, après avoir vu certains films qui montraient les cours de danse autrement que ce que je m’étais imaginé. Je me suis alors tourné vers le modern-jazz et le hip-hop, styles les plus proches de ce qui m’intéressais à l’époque. Je n’étais absolument pas attiré par la danse classique…

 

(Warm up): Echauffement avant Le Lac des Cygnes. Crédit: Lavinia Hutanu.

 Comment es tu passer de la danse urbaine et du modern jazz au classique ?

Ma curiosité s’est éveillée peu à peu je crois. Mon désir d’en faire mon métier aussi, bien qu’à cette époque je souhaitais aussi chanter et faire du théâtre; c’était encore un peu flou. Ayant aussi entendu à maintes reprises que le classique amenait des bases solides, j’ai fini par me lancer.

J’ai alors commencer la danse classique chez Jacqueline Colanéri, à Sainte-Adresse. Lorsque Jacqueline a su que je voulais travailler dans le “monde du spectacle”, elle m’a avoué ne pas pouvoir me mener à ce niveau et m’a encouragé à aller au Conservatoire, ce que j’ai fait après avoir passé plus d’un an dans son école; Tania Croquet et Corinne Couture sont alors devenues mes professeurs.

C’est Corinne qui m’a véritablement ouvert les yeux. Son enseignement et amour de la Danse m’ont montré et fait ressentir toute la richesse de la danse classique. J’ai alors décidé de m’y consacrer.

J’avais 15 ans. Pendant deux années j’ai travaillé très dur avec elle, pour tenter de rattraper tout le retard accumulé de par ma décision tardive. A l’issue de ces deux ans, j’ai été accepté au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, à 17 ans.

Quel a été ta formation ?

J’ai passé deux ans au CNSMD de Paris (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse). Ensuite je suis allé au CNSMD de Lyon pour terminer ma formation et obtenir mon diplôme de fin d’études.

Que retiens tu de ces années d’apprentissage ?

Mes maîtres. Ma rencontre avec Jean-Yves Lormeau, ancien danseur étoile de l’Opéra de Paris a été déterminante pour les années suivantes et ses paroles résonnent encore aujourd’hui. M. Jean-Guillaume Bart, aussi étoile de l’Opéra de Paris, m’a beaucoup apporté et a sans aucun doute contribué à ma réussite. A Lyon, Marie-Françoise Géry, un des plus grands professeurs de danse classique à mon avis; Juliette Beauviche qui avec patience et bienveillance m’a fait comprendre la danse contemporaine, m’a sans aucun doute ouvert de nombreuses portes qui me permettent aujourd’hui de m’exprimer ausssi dans un répertoire plus contemporain.

De belles rencontres…

Il y a des moments très difficiles aussi; une solitude.

Des moments de remise en question compliqués pour la vie personnelle mais qui nous font énormément évoluer en tant qu’artiste.

Quels sont les difficultés que tu as rencontrées au début de ta carrière ?

(Carmina): Carmina Burana, Davide Bombana. Crédit: Lavinia Hutanu.

La sortie des Conservatoires Nationaux n’est pas facile. Pour la plupart, on se “jette dans le bain” sans expérience ni contacts.

Après mon diplôme obtenu à Lyon, n’ayant pas trouvé de place en compagnie, je suis retourné vivre à Paris pour continuer à m’entraîner et mettre toutes les chances de mon côté pour le commencement d’une carrière

Quels sont les compagnies et les projets artistiques dans lesquelles tu as travaillé ?

Tout d’abord, j’ai eu la chance de travailler avec François Mauduit à Toulouse pendant un mois sur sa création du Petit Prince. Ce fut une très bonne expérience. Je crois que François a une très haute estime de la Danse. La musicalité, l’esthétisme et la sensibilité de son travail deviennent rares. J’encourage vivement, si je peux me le permettre, à suivre son travail.

Plus tard, j’ai été engagé à l’Opéra de Metz pour leur production du Songe d’une nuit d’été. Ce fut également une bonne expérience; l’Opéra de Metz est une petite compagnie avec assez peu de danseurs, mais les spectacles sont d’une grande qualité et méritent vraiment que l’on s’y intéresse.

Comment es tu arrivé à travailler à Bucarest ?

J’avais entendu parler de la compagnie et était intéressé. Après audition, j’ai été engagé; je suis alors parti car faire partie d’un Opéra National offre souvent un bon répertoire et l’acquisition d’une expérience solide à travers les grands ballets classiques.

Quels sont tes plus grands souvenirs de scène ?

Mon premier Lac des Cygnes je crois; la sensation de faire partie d’une chose bien plus grande que moi. J’ai toujours voulu danser les grands ballets classiques sans jamais savoir si j’y arriverais. Alors je crois que j’ai ressenti mon premier Lac comme le début d’un accomplissement.

Ensuite, je dirai que les meilleurs souvenirs sont les spectacles où l’investissement émotionnel est très haut. Carmina Burana par exemple, créé récemment pour la compagnie par un chorégraphe italien, Davide Bombana. Le choeur est avec nous sur scène et le poids de la musique et des voix vous porte.

La transcendance que l’on est amené à ressentir certains soirs n’a pas de prix. Le ou la partenaire compte énormément pour cela. Je vis aujourd’hui mes plus beaux moments de scène et en répétitions avec Rachel Gil, danseuse de l’Opéra avec qui je danse beaucoup et pour qui je créé également.

 

(Passé): En studio.

Quels sont les derniers projets sur lesquels tu as travaillé dernièrement ?

(Ego Rachel): Rachel Gil et Egoitz Segura Galar. Et pour tous les jours d’une vie sans éclat, Alexandre Plesis. Crédit: Diane Saller – DanSément.

J’ai créé il y a deux ans un pas de deux pour deux danseurs de la compagnie, Et pour tous les jours d’une vie sans éclat.

Aussi, danser en tant qu’invité dans d’autres spectacles, dans des événements.

Quels sont tes prochains projets ?

De nouvelles créations; en cours…

 

Quel est ta méthode de travail pour créer une chorégraphie ?

La connaissance des danseurs pour qui je créé ou avec qui je créé. Essayer de faire quelque chose pour eux, à partir de qui ils sont en tant que danseurs et en tant que personnes…bien que cela soit lié.

Quel est ton regard sur la danse classique actuelle ?

(Marius): Crédit: Marius Tudose.

Une crainte. Il faut la préserver.

Ces dernières années ont vu apparaître des figures circassiennes , de par l’attrait croissant pour la performance physique, qui dénaturent à mon sens la portée que doit avoir la danse classique.

La musicalité, l’élévation, la subtilité du travail, l’interprétation. Tout devient gymnique et on cherche l’âme. Je trouve cela inquiétant.

Aurons nous la chance de te voir danse au Havre dans les prochaines années ?

 C’est possible…et même en discussion.

Quels sont les 3 artistes de la région Havraise que tu souhaites nous présenter ?

Emmanuelle N’Zuzi, qui a grandit au Havre et assure aujourd’hui une très jolie carrière dans la comédie musicale à Paris et à l’étranger.

Emmanuel Cossé; il a monté son entreprise d’hébénisterie, Histoire d’Hêtre, et est également éclairagiste pour certains spectacles de danse ou de comédie musicale. Il fait vraiment du bon travail et a une grande compréhension du milieu du spectacle. Je recommende vivement.

Enfin, Corinne Couture, évidemment. Professeur de danse au LHC actuellement; elle mériterait véritablement d’être appréciée à sa juste valeur et de jouir d’une position plus importante dans la ville du Havre tant son travail est de qualité et son enseignement très riche et partagé avec bienveillance. Je ne serai pas où je suis aujourd’hui si ma rencontre avec Corinne n’avait pas eu lieu; je ne serais pas danseur.

Entretien réalisé par Grégory Constantin Octobre 2019

Aimez et aidez le boulevard des artistes en un coup de pouce 

ARTICLES CONCERNANT ALEXANDRE PLESIS